Ils sont comme les autres enfants. Ils jouent, rient, pleurent, suivent des études. Rien ne les différencie des autres enfants de leur âge, sauf ce secret qu'ils portent, souvent depuis leur naissance : ils sont atteints du Sida. Ces enfants, rencontrés au service des maladies infectieuses du CHU d'Oran, ne semblent pas malades. Rien d'extraordinaire. Les traitements actuels permettent d'assurer une qualité de vie optimale aux séropositifs, souligne le Pr. Najet Mouffok, chef de ce service, considéré comme le centre de référence régional prenant en charge des patients de 14 wilayas dans l'Ouest et le Sud-est du pays. Ils ne sont pas moins de 250 enfants de différentes régions à être suivis gratuitement au niveau du service. L'Algérie est l'un des rares pays arabes et africains qui prend totalement en charge les porteurs du virus du sida. L'objectif étant d'éradiquer la maladie à l'horizon 2030. Un des premiers enfants traités au niveau du service à la fin des années 1990 est âgé aujourd'hui d'une vingtaine d'année , rappelle le Pr Mouffok. Elle précise que ses jeunes patients appartiennent à différentes tranches d'âge. En général, la maladie leur a été transmise par la mère. Dans l'une des salles de consultations chez le Dr. Benzoubara, spécialisée dans la prise en charge des enfants séropositifs, un papa, accompagné de sa fille âgée de quatre ans, accepte de se confier à la journaliste de l'APS. Venu d'une ville d'une wilaya voisine à Oran, Youcef, père de deux enfants, Lina (4 ans) et Nidal (7 ans), tous deux porteurs de la maladie, a ramené sa fille qui souffre d'un ganglion au niveau du cou. Même pour les petits bobos, le père préfère ramener sa fille au centre pour consultation. Le Pr. Mouffok suit le couple depuis des années. Elle a tenu à relever que le mari "n'est pas le monstre qu'on imagine. C'est un homme intègre et plein de valeurs", dit-elle, ajoutant qu'il reconnait avoir fait des erreurs avant son mariage et qu'il a transmis le VIH à sa femme sans même le savoir. Depuis, les choses sont plus ou moins rentrées dans l'ordre dans la vie de Soumia, prise en charge avec son mari au niveau du centre. Son deuxième bébé, est venu au monde, sain, grâce à une prise en charge spécifique qui empêche la transmission mère-enfant. Elle eu après lui, trois autres enfants, tous sains. Malgré les cicatrices de cette période houleuse, Soumia a repris confiance. Elle a beaucoup de projets d'avenir, pour elle et pour ses enfants, fort heureusement nés sains. Quel avenir ? Youcef se pose, quant à lui, mille et une questions sur l'avenir de ses deux enfants malades. Qu'adviendra-t-il si on apprenait leur maladie à l'école ? Vont-ils faire leurs vies, se marier, avoir des enfants ? Seront-ils condamnés à vivre seuls ? Difficile de trouver des réponses à toutes ses questions. Le Pr. Mouffok se veut toutefois rassurante. Dans son service, elle refait souvent les carnets de santé des enfants sur lesquels leur séropositivité ou celle de leur maman est mentionnée. Comme tous les malades, ils ont le droit de préserver leur vie privée , dit-elle, rappelant que le sida n'est pas une maladie contagieuse mais transmissible. "Les enfants que nous suivons sont pour beaucoup brillants à l'école. Les traitements médicaux de plus en plus allégés - un à deux comprimés à prendre quotidiennement - permettent de leur assurer une qualité de vie proche de la normale. De plus, une fois que le virus est maîtrisé dans le corps, les sujets deviennent non contaminants", explique cette spécialiste. Au niveau du service, les praticiens interviennent souvent sur des aspects sociaux et psychologiques, jouant les rôles de conseillers, de médiateurs et psychologues. Leurs efforts ont permis, au cours de ces dernières années, d'unir pour le meilleur et pour le pire, 35 couples porteurs de HIV. Ces malades peuvent espérer à une vie normale. Faire des projets et avancer dans la vie, précise le Pr. Mouffok.