Les militants du mouvement de contestation sociale "Hirak Rif" dans le nord du Maroc ont été condamnés, mardi, à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison à l'issue d'un procès de neuf mois dont l'équité est contestée, suscitant l'indignation de plusieurs ONG. Le leader du mouvement, Nasser Zefzafi, ainsi que trois autres meneurs, Nabil Ahmjiq, Ouassim Boustati et Samir Ighid, ont écopé de la peine la plus lourde pour "complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat", un chef d'accusation passible selon les textes de la peine de mort, ont rapporté les médias. Au total, 53 personnes comparaissaient lors de ce procès. La peine la moins lourde se limite à un an de prison, couvrant la détention préventive, et 5.000 dirhams (environ 450 euros) d'amende, selon le verdict prononcé par la chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca en l'absence des accusés. Trois d'entre eux, Mohamed Haki, Zakaria Adehchour et Mahmoud Bouhenoud ont été condamnés à 15 ans de prison, sept à 10 ans de prison, également pour "complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat". Dix accusés ont en outre été condamnés à 5 ans de prison et 2000 dh (180 euros) d'amende, huit à 3 ans et 1000 dh amende (90 euros), 19 à deux ans et 5000 dh (450 euros) et 2 à un an de prison assortie de la même amende. Les peines de 5 ans de prison et moins correspondent à des chefs d'accusation comme "participation à une manifestation non autorisée" ou "insulte envers les forces de l'ordre". Nasser Zefzafi, 39 ans, avait été arrêté pour avoir interrompu le prêche d'un imam ouvertement hostile au mouvement Hirak dans une mosquée d'Al-Hoceïma, l'épicentre de la protestation qui a secoué la région historiquement frondeuse en 2017 et marginalisée du Rif. Les manifestations dans la région du Rif et dans d'autres villes marocaines ont été déclenchées par la mort d'un vendeur de poisson, broyé dans une benne à ordure en octobre 2016. Environ 450 personnes, selon des associations, ont été arrêtées pendant les manifestations pacifiques parfois marquées par des heurts entre forces de l'ordre et protestataires. L'"approche sécuritaire" des autorités a été critiquée par des associations de défense des droits de l'Homme, qui ont dénoncé la "répression" du mouvement et des actes de "torture" contre les manifestants après leur arrestation. Violation des droits de l'Homme, un procès non-équitable A l'issue de cette décision de justice, quelques militants ont scandé des slogans de solidarité, comme "vive le Rif" ou "Nous sommes Zefzafi", en solidarité avec les détenus, et les proches des accusés, présents dans la salle d'audience, ont poussé des cris de détresse quand les peines les plus lourdes ont été prononcées. "Ce sont des peines très lourdes. L'Etat a échoué dans ce test de respect des droits de l'homme et des libertés essentielles, tout comme l'indépendance de la justice", a déclaré l'un des avocats de la défense, Souad Brahma, à l'issue de l'audience. "Est-ce vraiment un procès équitable ? Tous les droits des détenus ont-ils été préservés?", s'était indigné l'avocat de la défense Mohamed Aghnaj, exprimant son inquiétude sur le fait que la défense n'a pas bénéficié des mêmes garanties que l'accusation. Les avocats de la défense ont refusé de plaider par solidarité avec les prévenus, qui ont boycotté les dernières audiences pour dénoncer la "partialité de la justice". De son côté, l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a dénoncé mardi les allégations de torture dont les détenus du Hirak du Rif ont fait part au cours de leur procès, de même que l'usage de la force face aux manifestants de Jerada, entre autres. Dans la nuit de mardi à mercredi, des rassemblements ont eu lieu à Al-Hoceïma (nord), épicentre du "Hirak" (la mouvance), et dans la ville voisine d'Imzouren, autre haut lieu de la protestation, ont rapporté des médias locaux. Sur les réseaux sociaux, des milliers d'internautes ont remplacé leur photo de profil par un fond noir, avec des commentaires sur la "honte" qu'ils disent ressentir devant cette "injustice", en comparant les peines avec celles plus "clémentes" prononcées contre les "criminels".