L'Iran a annoncé mercredi qu'il cessera d'appliquer "certains" de ses engagements dans le cadre de l'accord international sur le nucléaire de 2015, une année après le retrait unilatéral des Etats-Unis de ce pacte et le rétablissement des sanctions américaines nuisibles à l'économie iranienne. L'Iran va cesser de limiter ses réserves d'eau lourde et d'uranium enrichi revenant sur l'engagement qu'il avait pris dans l'accord conclu à Vienne en 2015 limitant drastiquement son programme nucléaire, a indiqué un communiqué du Conseil suprême de la sécurité nationale (CSSN) iranien. "Si à l'issue de cette date butoir les dits pays ne sont pas capables de répondre aux exigences de l'Iran", Téhéran cessera alors d'observer les restrictions qu'il s'impose "sur le degré d'enrichissement de l'uranium" ainsi que sur les "mesures relatives à la modernisation du réacteur à eau lourde d'Arak" dans le centre de l'Iran, ajoute le texte. Le conseil a souligné que les mesures annoncées mardi sont réversibles "à tout moment" si les exigences de l'Iran "sont prises en compte". Au cas contraire, l'Iran "cessera progressivement ses autres engagements". "Les mesures prises par les Etats-Unis, en particulier depuis un an mais aussi avant leur retrait de l'accord avaient clairement pour but de causer une interruption" de cet accord, a déclaré pour sa part le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, en visite à Moscou. Il a souligné que l'Iran "ne se retirera pas" de cet accord, et que les mesures prises par Téhéran, d'une nature qui n'a pas été précisée, correspondent à un "droit" laissé aux parties à l'accord en cas de manquements par une autre partie. Cette décision a été notifiée officiellement à Téhéran, aux ambassadeurs des pays encore parties à cet accord (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie). --Un régime d'inspection de l'AIEA inchangé à ce stade-- L'annonce par l'Iran qu'il cesserait de limiter ses réserves d'eau lourde et d'uranium enrichi tel qu'il s'y était engagé dans l'accord nucléaire conclu à Vienne en 2015 n'est pas de nature à changer le régime des inspections menées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans ce pays. L'AIEA, un organe de l'ONU basé à Vienne, est chargé de superviser l'application de l'accord par Téhéran à l'aide d'importants moyens techniques et humains sur le terrain. Ce régime d'inspections est essentiellement régi par le Protocole additionnel au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), protocole auquel Téhéran a accepté de souscrire à nouveau dans le cadre de l'accord, après en être sorti en 2006. Tant que l'Iran ne revient pas sur ce protocole, la latitude d'inspection des experts de l'AIEA reste inchangée, selon le texte. L'AIEA a jusqu'à présent toujours attesté que Téhéran respectait ses engagements aux termes de l'accord. Concernant ses stocks, l'Iran avait accepté de limiter son stock d'eau lourde à 130 tonnes maximum, et ses réserves d'uranium enrichi (UF6) à 300 kg et a renoncé à enrichir l'uranium à un taux supérieur à 3,67%. Mais les Etats-Unis, qui se sont retirés du texte il y a exactement un an, ont rétabli des sanctions contre Téhéran, affectant lourdement l'économie du pays et les relations commerciales entre l'Iran et les autres pays parties à l'accord. Les Européens, la Chine et la Russie ont maintenu leur engagement mais se sont montrés jusque-là incapables de respecter leur promesse de permettre à l'Iran de bénéficier des avantages économiques qu'il escomptait de l'accord en contournant les sanctions américaines. Mardi, le Conseil suprême de la sécurité nationale a donné "60 jours" à ces pays pour "rendre opérationnels leurs engagements en particulier dans les secteurs pétrolier et bancaire", alors que l'Union européenne (UE) a en particulier tenté de mettre en place un mécanisme pour permettre à l'Iran de continuer à commercer avec ses entreprises. -- Pékin appelle à maintenir l'accord, Moscou dénonce une "pression déraisonnable"-- Après la décision de Téhéran de cesser d'appliquer certains de ses engagements dans le cadre de ce texte signé en 2015, la Chine a appelé à maintenir l'accord international sur le programme nucléaire iranien. "Maintenir et appliquer l'accord est de la responsabilité de toutes les parties", a insisté le porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang. "Nous appelons toutes les parties en présence à faire preuve de retenue, à renforcer le dialogue et à éviter une escalade des tensions", a ajouté M. Geng, rappelant que la Chine s'opposait aux sanctions unilatérales des Etats-Unis contre l'Iran. De son coté, le président russe Vladimir Poutine a indiqué que "des décisions irréfléchies et arbitraires, menant à une pression déraisonnable sur l'Iran, provoqueraient des mesures fâcheuses par la suite, auxquelles nous sommes confrontées aujourd'hui", faisant référence au retrait des Etats-Unis il y a un an du texte négocié de longue date avec Téhéran. La Russie reste "engagée" dans l'accord sur le nucléaire iranien, estimant qu'il était "trop tôt" pour évoquer d'éventuelles nouvelles sanctions contre Téhéran. "Les diplomates russes continuent d'évoquer la situation, y compris avec leurs partenaires européens afin de travailler à la préservation du fonctionnement de ce document", a-t-il indiqué, évoquant une "situation grave".