L'Algérie a besoin impérativement d'un nouveau modèle de croissance durable pour l'émergence de son économie, a estimé lundi à Alger, l'expert international en stratégies et gouvernance économique Mustapha Mekideche, en appelant à accélérer les réformes structurelles pour ouvrir la voie aux nouvelles perspectives. "Nous devons sortir de l'actuel modèle économique, fondé sur la rente pétrolière, pour permettre l'émergence de notre économie à travers des réformes structurelles menant vers un nouveau modèle de croissance durable", a indiqué M. Mekideche lors d'une conférence-débat, organisée par l'Institut national d'études de stratégie globale (INESG), sous le thème: "Pour un modèle économique alternatif en Algérie : Ruptures, pré requis et fondements". Expliquant que les quatre prérequis de l'émergence sont: de bonnes infrastructures et la disponibilité de l'énergie, un indice de capital humain élevé, la sécurité et la stabilité du pays, ainsi que "des institutions qui fonctionnent", le conférencier a souligné que « les trois premiers sont remplis en Algérie", appelant ainsi à des réformes structurelles pour remédier aux "carences institutionnelles qui freinent l'économie". S'éxrprimant devant un panel d'experts, académiques, et représentants de plusieurs institutions en lien avec l'économie, il a également précisé que ces quatre prérequis sont nécessaires mais non suffisants pour une croissance diversifiée et non rentière, ajoutant qu'il faudra aussi relever d'autres défis, à savoir le défi financier et monétaire, le défi productif et technologique, le défi énergétique, ainsi que le défi démographique. Dans ce sillage, M. Mekideche a relevé la nécessité d'abandonner la démarche "intenable" de l'Etat investisseur dans "tout et partout" pour passer à celui d'un Etat vigie, producteur de normes et de règles de fonctionnement économiques à travers la promotion d'institutions solides et transparentes, notamment celles de la régulation du marché. Appelant à "la séparation de l'argent de la politique", M. Mekideche a aussi souligné l'impératif de "la réduction des blocages et la liquidation des segments prédateurs, formels et informels, du secteur privé", pour passer "du succès par le captage des diverses rentes qui sont des sources de corruption et de gaspillage, au succès par la compétition marchande nationale puis internationale". Ainsi, pour sortir du "modèle économique prédateur obsolète", l'expert a recommandé de lever les contraintes initiales (politiques, institutionnelles, économiques, sociales, financières) qui perpétuent le financement quasi unique par l'Etat, ainsi que la fermeture des "robinets de la rente", lutter contre le gaspillage et assurer l'égalité de traitement entre les acteurs économiques. Il a aussi appelé à placer la gouvernance des institutions publiques au service des objectifs de l'émergence, assurer la rigueur budgétaire couplée à la cohésion sociale, ainsi que la liquidation progressive des marchés informels par les forces du marché formel. S'agissant des principaux défis de l'économie nationale, l'expert a noté notamment la substitution aux importations en s'appuyant sur le secteur privé local et le partenariat, soutenir un secteur privé national productif, compétitif et résilient, la révision de la politique industrielle en intégrant la chaine de valeur africaine et mondiale, faire passer progressivement le financement de l'économie du budget de l'Etat vers le marché à travers la création de banques privées, ainsi que la bancarisation de l'argent de l'informel estimé à 1.500 milliards de dinars. Il a également insisté sur la maitrise de la croissance démographique, assurer le transfert générationnel des compétences et de la gouvernance, ainsi que assurer la sécurité énergétique à travers la révision des tarifs de l'électricité et des carburants touchant le résidentiel, les transports et les industries, et aussi recourir aux hydrocarbures de schistes pour faire face à la double contrainte d'explosion de la demande et la déplétion des ressources conventionnelles. Mekideche a, en outre, souligné que l'Algérie et face à la contrainte budgétaire, rajoutée à celle de la devise, "doit réagir dans un délai de 3 ans" . Il a, dans ce sens, prévu deux scénarios, la poursuite du modèle actuel avec les risques de l'aggravation du déficit budgétaire et le recours à l'endettement extérieur ou une émergence à construire avec une efficacité budgétaire et fiscale, l'élargissement de la base productive, réduction ferme de l'informel, et la construction d'un consensus social et politique pour la mise en œuvre d'un Etat de droit, fondé sur la sécurité, l'équité territoriale et fiscale, une croissance durable et la cohésion sociale.