La question de la récupération des fonds transférés illicitement à l'étranger par des hommes d'affaires, des politiciens et des parties influentes incarcérés pour corruption s'est imposée aux cinq candidats en lice pour la Présidentielle du 12 décembre prochain qui se sont, tous, engagés lors de leur campagne électorale à ne ménager aucun effort pour leur rapatriement. Contrairement aux dossiers habituellement évoqués par les candidats lors de leurs campagnes électorales, la question de la récupération des fonds transférés illicitement, ces deux dernières décennies, estimés par les experts à des centaines de milliards de dollars, a été mise en exergue par les cinq candidats lors de leurs sorties médiatiques et leurs meetings. Cependant, la plupart d'entre eux n'ont pas dévoilé les détails techniques de ce dossier complexe. Dans l'une de ses sorties médiatiques, le candidat indépendant à la Présidentielle, Abdelmadjid Tebboune a affirmé, avec une grande assurance, qu'il comptait "récupérer les fonds volés", déclarant "si je ne parviens pas à récupérer leur totalité, je veillerai à récupérer une bonne partie de ces fonds". Tebboune affirme "connaitre les lieux de placement de ses fonds" qui permettront une fois rapatriés de couvrir une grande partie des dépenses programmées dans le cadre de son programme électoral. Il refuse, néanmoins, de dévoiler "leurs lieux de placement" qui doivent rester "secrets" pour ne pas permettre aux parties concernées de prendre leurs précautions. De son côté, le président du parti Talaie El Houriyet, Ali Benflis s'engage, dans son programme électoral, à "lancer des initiatives à l'adresse des institutions financières et pays concernés pour récupérer les fonds transférés illicitement par des Algériens à l'étranger". Quant à l'enseignent universitaire en droit constitutionnel, Allaoua Layeb, il relève que les fonds détournés vers l'étranger est un délit imprescriptible et que le fait que le mis en cause dans des affaires de pillage de l'argent public détienne autre nationalité, n'influe pas sur les voies et les mécanismes de leur restitution, grâce à la prééminence du Droit international dans de tels cas, la nationalité d'origine. L'article 54 de la Loi N 06-01 stipule " Nonobstant les dispositions du code de procédure pénale, l'action publique et les peines relatives aux infractions prévues par la présente loi sont imprescriptibles dans le cas où le produit du crime aurait été transféré en dehors du territoire national". Mais l'enseignant en économie, Abou Bakr Salami considère que la restitution de ces fonds est une opération très complexe, car les fonds détournés ne sont pas détenus sous les noms des individus, plutôt sous de prête-noms. Un avis partagé par l'expert économiste Kamel Rezig qui estime que pour les fonds détournés vers l'étranger, leur restitution est difficile, étant donné que beaucoup de ces mêmes fonds sont à titre de prête-nom et l'accès à leurs propriétaires est tout autant difficile. Dr. Rezig cite, à titre d'exemple, l'affaire Khalifa traitée par l'Etat algérien qui n'a pas pu récupérer plus de 12 milliards USD ayant été pillés à travers leur transfert à titre de prête-nom, et ce en dépit du fait que l'accusé principal est incarcéré. L'expert propose, comme alternative à l'application à la lettre de la Loi, de prendre exemple des expériences russe, égyptienne et saoudienne qui ont tenté de restituer des fonds ayant été pillés et détournés vers l'étranger, à travers le recours à un accord tacite avec les individus impliqués dans le vol, le pillage de l'argent public, en vue de récupérer une partie de ces fonds. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati avait déclaré, l'été dernier, que " l'Algérie dispose de l'outil juridique pour rapatrier les fonds détournés et transférés à l'étranger", affirmant que " la lutte contre la corruption ne saurait être accomplie qu'en récupérant ces fonds, à travers la poursuite des avoirs des individus coupables.