La crise sanitaire du Coronavirus avec ses lourdes restrictions n'ont pas découragé l'élan de solidarité qui se manifeste à Oran par une large implication des associations présentes sur le terrain pour apporter aide et soutien aux personnes sans abri, hébergées au Samu Social, mais aussi assistées pour s'insérer dans la société lorsqu'elles n'ont pas été accompagnées pour retrouver leurs familles. A chacun son histoire, sa détresse, son désespoir : Amar D, 65 ans, a trouvé récemment refuge dans le centre d'hébergement du SAMU Social, sis à Haï Mahieddine (ex-Eckmul). Cet ex-menuisier, après une grande déception de la vie, a été tout simplement rejeté par les siens pour se retrouver, du jour au lendemain, à la rue. Son calvaire a duré huit mois. "Je suis de Frenda. Après mon divorce, je me suis retrouvé dans la rue. Après avoir fait presque tous les petits hôtels de la ville, ses hammams et ses dortoirs, je me retrouve basculé dans un autre monde, celui de la précarité, à la limite de la déchéance", raconte-t-il non sans émotion. Dans un langage dépouillé, mêlé d'amertume, mais souriant avec cet espoir de reprendre du bon pied sa vie après un douloureux épisode, le sexagénaire poursuit son récit : "avant, je passais mes nuits près de la garnison, à M'dina J'dida. Aujourd'hui, elhamdoulillah, je suis au chaud, au centre d'hébergement du SAMU Social". Une vie d'errance Pour K. Mounir, originaire de Oued Rhiou, dans la wilaya de Relizane, demeurer longtemps dans cette structure d'accueil, n'est pas une solution. Il ne désespère pas pour trouver emploi "afin de recouvrer ma dignité", comme il le dit, remerciant dans la foulée les anonymes qui passent régulièrement au centre pour apporter soutien et réconfort à ceux qui ont le plus besoin en cette période difficile. Kheira, une autre pensionnaire de 37 ans, dispose depuis quelques jours d'un lit au centre d'hébergement du SAMU Social qui assure également des repas chauds en cette période de grand froid. Kheira avait livré une forte résistance aux équipes de ce dispositif d'aide et d'assistance aux personnes sans abri, avant d'accepter de se rendre à cette structure. Désormais, elle se dit chanceuse de dormir au chaud et en sécurité, après "toute une vie de chien et d'errance", en faisant la manche quémandant la charité. Une vie somme toute instable pour S. Kheira, allant jusqu'à refuser de rester au Samu Social d'Oran, comme elle l'avait déjà fait à Diar Errahma, explique Ahmed Benmahmoud, psychologue de formation et directeur par intérim de cet établissement d'assistance sociale. L'établissement abrite actuellement près d'une soixantaine de pensionnaires, tous des sans domicile fixe, soit la moitié de ceux ayant été accueillis durant les premiers mois du confinement, en raison de leur situation de précarité imposée par la Covid-19, cette pandémie qui a imposé la fermeture de toutes les structures et la paralysie des moyens de transport. C'est aussi le cas de cette vielle dame de 82 ans, qui s'était retrouvée subitement dans la rue, en danger moral avant d'être ramassée par les équipes du SAMU social, en attendant d'être accueillie à Diar Errahma. N'abandonner personne dans la rue "Prendre en charge les sans domicile fixe est devenu un leitmotiv de tous les responsables locaux chargés de l'action sociale voire un engagement", comme le souligne le directeur de wilaya de l'action sociale, Ameziane Mohamed Fedala . "Dans le cadre de ce dispositif, nous faisons des sorties, de jour comme de nuit, avec le concours des services de police, de la DSP et de la protection civile, direction de la santé, de la protection civile. Nous observons un protocole sanitaire strict pour éviter de mettre en danger les pensionnaires, avant de ramasser les sans domicile fixe et essayer de trouver une solution à leurs tourments, chacun selon son cas", explique le même responsable. "Après quatorze jours de confinement, les pensionnaires ramassés sont automatiquement dirigés vers d'autres structures d'accueil, comme les foyers mixtes réservés aux personnes âgées de 65 ans et plus, ou Diar Errahma", ajoute-t-il, assurant que tous les efforts sont déployés, ces derniers temps, pour trouver une solution à leur situation, comme en témoigne le nombre de gens insérés socialement dans les chantiers de construction avec hébergement dans les bases de vie, ainsi que d'autres désirant retrouver leur vie familiale. Il s'agit d'une trentaine de personnes, issue de différentes wilayas dont Annaba, Tébessa, Adrar, Tamarasset, Ghardaïa, Alger et Chlef, qui travaillaient comme journaliers à Oran, avant d'être insérée dans les chantiers de construction à Messerghine et El Hassi, relève le directeur par intérim du Samu social. Neuf personnes dont deux femmes, ajoute-t-il, ont été hébergées à Diar Errahma, malgré ce contexte exceptionnel de restrictions imposées par le confinement. Lire aussi: Les SDF d'Oran: le centre d'accueil du SAMU Social, seul refuge C'est dans ce contexte de fermeture des cafés, des restaurants et de bains maures, qui servent parfois de dortoirs pour les sans abri durant l'hiver, que des bienfaiteurs et des donateurs sont venus aider ces "naufragés sociaux" depuis le mois de mars dernier. Alors que le SAMU social continue à assurer au quotidien sa mission : celui de ne laisser personne dans la rue, les associations caritatives et autres donateurs, souvent anonymes, se joignent à l'action du service public pour aider les personnes sans abri à s'en sortir. Les actions ne se limitent pas à la distribution de repas chauds, mais également d'autres gestes de solidarité agissante, comme les dons en numéraires et autres en nature tels que les vêtements, la literie et les couvertures, souligne Mohamed Fortas, cadre-conseiller juridique au SAMU Social d'Oran, qui cite les associations "Dounyazed" et "Irchad wal Islah" dont les actions ont été très remarquées depuis l'apparition de la pandémie.