La Task force européenne, Takuba, chargée d'appuyer les forces françaises dans leur guerre contre le terrorisme au Sahel n'aura pas d'impact décisif sur le terrain, assure le politologue Florent Compte Palassoe qui estime que le règlement du conflit au Sahel ne sera possible que lorsque les pays de la région pourront reconquérir leur autorité. La force Takuba, formée de militaires envoyés par sept pays européens "pourrait permettre de réaliser des victoires tactiques contre les groupes terroristes et rompre l'isolement diplomatique et militaire de la France (au Sahel), mais il est improbable qu'elle ait un impact sur le déroulement du conflit", a soutenu le politologue dans une analyse publiée sur Global Risk Insights, une plateforme internationale s'intéressant aux conflits à travers le monde. Cette force européenne formée de 600 soldats, dont 300 sous commandement français, lancée officiellement l'été dernier, est considérée comme opérationnelle à partir de 2021 pour une durée de trois ans, vient en appui à la force française Barkhane, sur le terrain depuis 2014 et forte de 5.100 hommes. "Une chose est claire, la lutte contre le terrorisme dans le Sahel ne peut être remportée de manière définitive si (les pays de la région) ne peuvent assurer leur propre sécurité et stabilité, un scénario irréaliste à moyen comme à long terme", affirme le politologue. "Le 13 janvier 2020, le sommet de Pau organisé par le président français Emmanuel Macron a réuni les chefs d'Etas du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie). Une année plus tard, il n'y a pas eu un grand changement dans la guerre contre les groupes terroristes qui prolifèrent dans la région", constate Florent Compte Palassoe. "En 2020, il y a eu des victoires tactiques importantes (à l'image de) la neutralisation de cellules terroristes et de l'élimination de quelques leaders terroristes tels que le chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Abdelmalek Droukdel, en juin", ajoute l'auteur. Il signale que le "buzz médiatique" ayant entouré ces victoires servait surtout à cacher la réalité, notant que le Sahel est désormais perçu comme l'Afghanistan de la France et qualifié de "la guerre africaine sans fin de la France". "En dépit de l'augmentation du nombre des troupes françaises entre 2014 et 2020 (incluant les 500 soldats affectés après le sommet de Pau), la France et le G5S (G5 Sahel) n'ont pas réalisé de victoires stratégiques dans la région", soutient, par ailleurs, le politologue. "En réalité, la situation sécuritaire dans la zone des trois frontières (Burkina Faso, Mali et Niger) s'est plutôt détériorée", relève-t-il remarquant que "depuis 2016, les attaques terroristes dans cette région ont progressé de 500%". Lire aussi : Sous pression, la France veut un plus grand appui américain au Sahel Florent Compte Palassoe attirera l'attention, en outre, sur le fait que les groupes terroristes aient étendu leur présence vers le sud et l'ouest de la région, "exploitant l'incapacité des Etats à recruter de nouveaux combattants en raison de la propagation de la pandémie" de la Covid-19. Sur un autre plan, l'opération Barkhane, observe le politologue, a été particulièrement "coûteuse, mortelle et impopulaire". En tout, 50 soldats français sont morts, au Sahel, depuis 2013 (une année avant le lancement de l'opération Barkhane), en plus de 200 des forces de maintien de la paix relevant des Nations unies. "Selon un récent sondage, 51% de la population française est contre l'intervention" au Sahel, rappelle-t-il ajoutant qu'à partir du moment où aucun acte terroriste commis en France ne semble avoir de lien avec un quelconque groupe au Sahel, il reste difficile de justifier l'intervention française dans cette région. L'impopularité de l'opération Barkhane auprès des populations du Sahel est un autre facteur qui entre en jeu pour expliquer les difficultés rencontrées par la France dans la région, estime, d'un autre côté, le politologue.