Le Maroc utilise la carte migratoire comme moyen de pression sur l'Espagne pour la pousser à reconnaître sa prétendue souveraineté sur le Sahara occidental, sur fond de craintes d'un revirement américain sur ce dossier, a indiqué le professeur de droit constitutionnel à l'université de Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne), Carlos Ruiz Miguel. Carlos Ruiz Miguel révèle dans un entretien publié, mardi, par l'agence de presse Sputnik, l'existence d'"une clause secrète" dans l'accord de normalisation des relations entre le régime marocain et l'entité sioniste imposant au Maroc d'ouvrir une ambassade à El Qods". M. Ruiz Miguel, pense que les Etats-Unis et l'entité sioniste ont accordé du temps à Rabat pour honorer cet engagement. Néanmoins, estime-t-il, la mise en œuvre de cet engagement "serait inacceptable pour l'opinion publique du royaume, qui reste très attachée au principe de soutien au peuple palestinien". C'est pourquoi le Maroc exerce une pression sur l'Espagne (puissance administrante du Sahara occidental) afin d'obtenir très rapidement une reconnaissance de ses revendications illégitimes au Sahara occidental, explique Carlos Ruiz Miguel, également directeur du Centre d'étude sur le Sahara occidental (CESO). "Rabat tient à obtenir cette reconnaissance avant un éventuel changement de position des Etats-Unis et d'Israël en réponse au non respect de son engagement", soutient-il. Invité à commenter la réaction des autorités marocaines par rapport à l'hospitalisation en Espagne , pour cause de Covid-19, du président de la République sahraouie, Brahim Ghali, Carlos Ruiz Miguel souligne que les combats qui se déroulent depuis le mois de novembre dernier au Sahara occidental expliquent cette réaction, "mais ce n'est pas la raison fondamentale. "Ghali est tout simplement un prétexte pour faire du chantage à l'Espagne en vue d'obtenir la reconnaissance de (la prétendue) souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental", affirme le professeur. Le Maroc n'est pas un partenaire loyal et fiable pour l'UE Pour Carlos Ruiz Miguel, cette énième démonstration à Ceuta "prouve que le Maroc n'est pas un partenaire loyal et fiable" pour l'Union européenne (UE) en matière des "défis migratoires". Il rappelle que "depuis juillet 2020, un grand nombre de migrants clandestins sont partis du Sahara occidental occupé vers les Iles Canaries". A ce moment-là, Brahim Ghali n'était pas hospitalisé en Espagne... et la guerre au Sahara occidental n'avait pas repris", fait-il remarquer. "Il y a longtemps que l'Espagne aurait dû prendre conscience de cette menace [représentée par les autorités marocaines]", dit le professeur qui fait part de son étonnement quant au fait que "Bruxelles semble ne pas avoir pris conscience de la lourde responsabilité du Maroc dans l'entrée des migrants clandestins en Europe". Qualifiant la crise des migrants de Ceuta d'"agression", le professeur considère la démarche du Maroc comme "une action délibérée pour faire entrer en Espagne des milliers de personnes pour envahir la cité de Ceuta".. Selon lui, outre la carte migratoire, les autorités marocaines pourraient actionner d'autres leviers tels que le terrorisme ou les stupéfiants. S'agissant du trafic de drogue, la stratégie de la "narcomonarchie" ne changera pas, elle va tout simplement se poursuivre, prévient le spécialiste. De même avec le terrorisme. Dans pratiquement tous les attentats terroristes en Europe, la plupart des individus impliqués sont des Marocains", note-t-il. Carlos Ruiz Miguel, est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le droit constitutionnel espagnol et marocain ainsi que "Sahara Occidental. Abrégé juridique, 15 énoncés de base sur le conflit", un ouvrage de référence sur le dossier sahraoui.