Le régime marocain semble en déphasage total avec la réalité en continuant à ignorer la révolte sociale grandissante dans le royaume, sur fond de manifestations quotidiennes qui témoignent de l'état de précarité alarmant dans lequel se trouvent, aujourd'hui, des millions de Marocains, selon le chercheur marocain Aziz Chahir. "Inflation, pass vaccinal, salaires: la protestation collective gagne le royaume marocain, révélant la gravité des inégalités sociales engendrées par un régime autoritaire qui s'accapare les richesses du pays tout en prétendant œuvrer pour son développement", écrit Aziz Chahir, docteur en sciences politiques et enseignant-chercheur à Salé (Maroc), dans un article publié sur le média en ligne Middle East Eye. "Depuis plusieurs semaines déjà, les protestataires dénoncent l'imposition du pass vaccinal (lié au Covid-19) mais aussi la cherté de la vie. Il faut dire que la flambée des prix des denrées alimentaires de base suscite un mécontentement social qui se manifeste sporadiquement, ici et là, partout où des cyberactivistes tentent de briser la loi du silence pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie", explique l'auteur de l'article sous le titre: "Le régime marocain a tort de ne pas écouter la révolte sociale grandissante". Pour ce politologue, il s'agit d'un "pouvoir démissionnaire qui mène un train de vie luxueux et s'évertue à étouffer la crise socioéconomique qui ronge le pays grâce à une machine de propagande étatique des plus redoutables". ==Les risques de la montée de la contestation sont considérables== L'aggravation de la crise socioéconomique au Maroc va certainement attiser la protestation sociale qui monte, notamment à cause de la cherté de la vie (inflation sur les produits de base et les hydrocarbures), estime encore le chercheur marocain. D'ailleurs, d'autres corps de métiers se mobilisent déjà dans le royaume afin de faire entendre leur voix auprès des décideurs, qui semblent "en déphasage total avec la réalité". Les sit-in s'enchaînent, rappelant aux gouvernants que le mécontentement des populations est devenu insupportable, et dénonçant l'indifférence du nouvel exécutif et l'interventionnisme du pouvoir dans les affaires publiques, écrit encore l'auteur. Et de préciser que "malgré la répression violente des manifestations et l'appareil de propagande étatique qui vante les mérites du régime, les voix de la protestation se font entendre dans les localités rurales mais aussi dans certaines villes périphériques et dans les grands centres urbains, dont Rabat, Casablanca, Tanger et Marrakech, où par exemple les instituteurs contractuels multiplient les marches". A ce sujet, l'expert rappelle que les enseignants contractuels ont fermement dénoncé la décision de l'actuel ministre de l'Education nationale, Chakib Benmoussa, qui a annoncé, le 19 novembre, que l'âge limite pour être recruté comme enseignant serait de 30 ans, une décision qui va à l'encontre des statuts de la fonction publique, qui fixent ce seuil à 45 ans. Et ces dernières semaines, ce fut au tour des avocats et des infirmiers de témoigner notamment de leur refus de se voir imposer le pass vaccinal. De l'avis du politologue, l'"Etat a tout intérêt à composer avec une opposition politique identifiable et reconnue pour pouvoir négocier avec ses leaders une sortie de crise, car les risques de cette montée sporadique d'une contestation populaire sont considérables", et "le choix du régime marocain de parier sur l'appareil sécuritaire pour endiguer la protestation pourrait s'avérer à terme contre-productif". Autre risque, selon Aziz Chahir : "Le fait que ces protestations surgissent parfois là où on les attend le moins pourrait les rendre volatiles et incontrôlables, surtout en l'absence d'un leadership déclaré portant un ensemble de revendications bien déterminées".