L'ancien eurodéputé français, José Bové, a révélé dans le cadre du scandale de corruption au Parlement européen, s'être vu proposer des pots-de-vin par l'ancien ministre de l'Agriculture marocain, actuellement chef du gouvernement, dans le cadre de l'accord de libre échange sur les fruits et légumes UE/Maroc. Ce témoignage vient encore enfoncer le Maroc, déjà impliqué dans un retentissant scandale de corruption au sein du Parlement européen, à la suite d'une enquête déclenchée par le Parquet fédéral belge qui a mis en cause une quinzaine de députés européens dont certains ont avoué avoir fait partie d'une organisation utilisée par les services secrets de Rabat. José Bové, alors rapporteur de la Commission du commerce extérieure (2009-2014) chargé du dossier sur l'accord de libre échange sur les fruits et légumes avec le Maroc, raconte à la radio France Inter, qu'en raison de son opposition à l'égard de cet accord "nuisible à la fois pour les producteurs marocains et producteurs européens", il a été approché par le ministre de l'Agriculture marocain de l'époque, Aziz Akhannouch, pour le soudoyer. "Le ministre de l'Agriculture marocain, aujourd'hui Premier ministre, avait le soutien de ce club privé de députés (corrompus) qui regroupait toutes les tendances politiques du Parlement européen. Ne supportant pas que je puisse m'opposer à ce projet, il a proposé de me ramener un cadeau à Montpellier dans un café, qui soit discret", a témoigné vendredi José Bové en direct sur les ondes de France Inter. "Il m'a demandé une adresse à lui fournir. Deux heures plus tard, il me rappelle, me disant ne voir aucun café ni restaurant dans cette adresse. C'était en fait celle de mon avocat", a-t-il ajouté. Interrogé par le journaliste s'il s'agissait d'argent qu'on lui avait proposé, celui qui a quitté le Parlement européen en 2019 a répondu : "Qu'est ce que vous voulez que ce soit d'autre, ce n'était pas une théière pour boire du thé, c'est clair que c'était cela". Ainsi, la saga du "Marocgate" est désormais "une certitude, tant les éléments qui fuitent de l'instruction menée par le juge belge Michel Claise désignent le royaume chérifien comme l'un des acteurs clés de ce dossier", rapporte samedi le quotidien français Le Monde sur son site, notamment après l'arrestation d'une des vice-présidentes du Parlement, la Grecque Eva Kaili dont le compagnon Francesco Giorgi a avoué jeudi aux enquêteurs belges avoir fait partie d'une organisation utilisée par le Maroc "dans le but d'interférer et d'influencer les affaires européennes". En effet, le journal est revenu encore sur cette affaire, citant l'ex-eurodéputé socialiste italien Pier Antonio Panzeri, co-fondateur de l'ONG Fight Impunity, qui aurait reçu de l'argent en provenance du Maroc, par l'intermédiaire d'un diplomate, Abderrahim Atmoun, actuel ambassadeur en Pologne. Les deux hommes ont co-présidé la commission mixte Maroc-Union européenne (UE) et été photographiés ensemble à plusieurs reprises, lors de rencontres à Bruxelles et Rabat, ajoute le quotidien. Les médias belges Knack et Le Soir indiquent que c'est par l'intermédiaire d'Atmoun que Panzeri aurait noué, en 2019, "un pacte secret" avec la Direction générale des études et de la documentation (DGED), le service de renseignement extérieur du Maroc. Selon des documents plus anciens et confidentiels de la mission marocaine auprès de l'UE, diffusés par un pirate informatique en 2014 et 2015, Panzeri est présenté comme celui qui sera capable de défendre le soi-disant "principe de la souveraineté" du Maroc sur le Sahara occidental occupé, alors que le rapport de Charles Tannock, un conservateur britannique, devait détailler la violation, par le Maroc, des droits de l'Homme dans cette région. Il a été qualifié de potentiel "allié de poids" et d'"ami proche" du Maroc, susceptible notamment de "contrecarrer l'activisme croissant de (ses) adversaires au sein du Parlement".