"Stop à la violence ! Droits des femmes maintenant!". C'est le mot d'ordre que se sont choisi des Ong algériennes pour lancer, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, une campagne nationale d'une année visant la criminalisation "pure et simple" de ces violences. Plus qu'un cri de révolte, les quinze Ong de défense des droits des femmes qui se sont ralliées au mot d'ordre entendent élever la voix collectivement pour dire halte aux violences multiples qui ciblent les femmes. Elles exigent, dans la même dynamique, une réponse "globale" à un phénomène que tous, pouvoirs publics compris, s'accordent à qualifier de "fléau social". De l'avis des observateurs, la campagne tombe à point nommé et ses promoteurs ainsi que tous les militants des droits des femmes, qui peinent à se faire entendre, auront alors plus d'un argument pour faire évoluer la législation vers la pénalisation des violences à l'encontre des femmes. D'abord les chiffres : souvent considérés comme parcellaires et en deçà de la réalité, mesurant mal l'ampleur des ces violences qui ciblent les femmes, les statistiques fournies par diverses sources n'en demeurent pas moins parlantes. Sur les seules plaintes enregistrées entre janvier et octobre 2010, les services de la police nationale avancent le chiffre de 7.557 femmes victimes de violences dans tout le pays. Sur ce nombre, plus des deux tiers sont des femmes agressées physiquement, la moitié sont victimes de violences conjugales, alors que neuf autres femmes ont péri à la suite d'un homicide volontaire. Le constat dressé dans le "Livre noir", un opus dédié aux violences faites aux femmes publié récemment par le réseau Wassila, qui est un centre d'écoute et d'accueil mis au service des femmes subissant des violences, est encore plus accablant : les chiffres, étayés par les témoignages de victimes dont certaines disparues, sont jugés effarants. De même, la révolte et l'impuissance ressenties par les médecins, les juristes et les bénévoles confrontés aux souffrances des femmes, violentées semble être, à lui seul, un véritable plaidoyer en faveur d'une législation "spécifique" pour apporter une réponse "globale" et "appropriée" aux violences liées au genre. Une loi cadre est revendiquée En réponse à ces souffrances répétées et amplifiées au fil des années, la plate-forme des Ong ainsi liguées contre les violences faites aux femmes prévoit de plancher sur l'élaboration d'un plaidoyer et lancer une campagne d'envergure nationale devant aboutir, à terme, à l'adoption d'une loi cadre spécifique. Le collectif s'accorde une année et demie pour atteindre cet objectif. En direction de l'opinion publique, le collectif compte lancer des actions de sensibilisation à grande échelle pour "briser les tabous et les silences qui entourent les violences à l'encontre des femmes" et "mettre la société devant ses responsabilités", selon ses propres termes. Pour ce faire, les promoteurs du projet comptent s'appuyer sur le réseau associatif et les concours des médias audiovisuels, notamment. Sur le plan des textes, les Ong comptent agir solidairement en mobilisant leurs propres juristes, chercheurs, universitaires et autres défenseurs des droits humains parmi leurs militantes, pour revisiter les textes de loi et permettre à la législation algérienne de se mettre en conformité avec les mécanismes internationaux en la matière. C'est tout le sens du combat que ce collectif entend livrer à travers cette campagne pour convaincre les pouvoirs publics de mettre en place une loi cadre spécifique aux violences faites au femmes. Signataire de la CEDAW (Convention internationale contre les discriminations à l'égard des femmes) qui exige que l'égalité hommes û femmes soit "formelle et réelle", l'Algérie est appelée à adapter ses propres lois pour se conformer aux mécanismes internationaux en la matière. C'est en tout cas le souhait de la Rapporteure spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'Onu. Au terme d'une visite d'information à Alger début novembre, Mme Rashida Manjoo avait en effet souligné la nécessité, pour l'Algérie, d'adopter une loi propre a juguler les violences contre les femmes, à l'instar d'autre pays signataires de la Convention. Relevant la "volonté" affichée par les pouvoirs publics algériens quant au "respect des engagements internationaux (pris par l'Algérie)", Mme Manjoo a encouragé ces derniers à adopter une "démarche multisectorielle", en partenariat avec les Ong, pour mettre en place une "législation spécifique". Une telle loi permettrait à l'Algérie de se doter d'autant d'"outils de protection, de prévention et d'éducation" pouvant apporter une solution aux violences faites aux femmes.