La vie et l'œuvre du grand plasticien M'Hamed Issiakhem, à qui un hommage a été rendu à travers une exposition organisée au Musée national d'art moderne et contemporain (MAMA), ont été évoquées jeudi au cours d'une table-ronde. Dans son intervention, l'historienne de l'art, Nadira Laggoune, a donné un aperçu de la richesse des dessins de presse d'Issiakhem, estimant que l'étude de ces derniers "permettra de découvrir une dimension de l'oeuvre qui est particulière". "Ses dessins de presse sont des œuvres importantes car elles marquent un moment de l'histoire et de l'histoire de l'art", a-t-elle dit, ajoutant qu'il existe un lien entre ses activités picturales et graphiques et que "ce lien est celui de l'engagement militant". "Cet engagement va continuer après 1962 comme le montrent les affiches réalisées pour les pièces de théâtre de Kateb Yacine +Palestine trahie+ et +Mohamed prends ta valise+", a souligné Mme Laggoune qui a déploré l'absence de recherches sur les dessins de presse d'Issiakhem. Pour sa part, Malika Dorbani Bouabdellah, historienne d'art et critique d'art, a exposé une étude comparative qu'elle a réalisé sur deux œuvres d'Issiakhem, l'une intitulée "Algérie de nos ancêtres" et l'autre "Passé, présent et futur". "Le premier tableau est un portrait type de l'artiste et de l'homme parfait, qui est un thème classique que l'on retrouve dans la peinture et notamment dans la peinture ottomane, la peinture vénitienne et la peinture orientaliste. Cette œuvre s'inscrit dans l'histoire de l'art universel", alors que la seconde œuvre est une "réflexion philosophique sur les 3 âges de la vie", a expliqué la spécialiste. "Ce sont, surtout, les qualités picturales qui m'ont intéressées, notamment la représentation des fleurs, qui symbolisent le printemps, la renaissance, le futur", a précisé Mme Dorbani Bouabdellah. L'homme de lettres Benamar Mediène, quant à lui, a abordé dans son intervention la vie de M'Hamed Issiakhem à travers des autoportraits, dont le premier réalisé en 1949. "On remarque, dans ce tableau, l'attraction qu'exerçait sur lui Van Gogh, notamment dans cette façon massive de construire le visage ainsi que dans l'utilisation des couleurs fauves", a indiqué l'intervenant, rappelant que cette œuvre a été exposée aux côtés de celles de Galliero, un grand peintre de l'époque. Benamar Mediene citera aussi trois autres portraits d'Issiakhem, à savoir celui réalisé en 1976 et dans lequel, a-t-il dit, "il avait un visage de Jupiter", celui peint alors qu'il était malade et un autoportrait non figuratif intitulé "Dépression", dans lequel il avait un "visage exsangue dissimulé par un empâtement de peinture"."Dans ce tableau, Issiakhem est chez lui, dans son univers. Il est dans une posture de grande sérénité", a commenté Benamar Mediene. Pour sa part, l'historienne Anissa Bouayed a présenté des photographies du tableau d'Issiakhem portant le titre "Algérie 1960". "Il a condensé, dans ce tableau, tout un vocabulaire qui sera le sien pendant des décennies. L'organisation de l'espace, qui est spécifique et qui est déjà en place dans cette œuvre, est, en fait, une forme personnelle déjà aboutie", a analysé l'historienne à propos de ce tableau représentant les visages d'une mère et de ses deux enfants.