Dans un de ses articles paru le 19 octobre dernier, à l'occasion de la journée d'information sur la zakat, notre journal avait abordé la question de « comment investir l'argent de la zakat ». En présence de plusieurs dizaines d'imams et cadres du ministère des Affaires religieuses, des journalistes avaient abordé la question des détournements de fonds générés par la zakat, les dons et les collectes effectués durant la prière de chaque vendredi. Trois noms de cadres dont deux imams, avaient été cités comme étant les auteurs. « Pas un seul centime n'ira ailleurs que là où le destine la réglementation. La zakat doit permettre à ceux dans le besoin et qui en bénéficient, notamment les jeunes, d'être demain eux-mêmes pourvoyeurs de la zakat. C'est-à-dire leur avancer sans intérêt par le biais de la zakat le nécessaire en fonds pour créer une activité économique de leur choix », avait alors affirmé Moussa Abdelaoui, le directeur des affaires religieuses de la wilaya. Selon lui, l'opération a été réalisée dans une totale transparence. La réponse du premier responsable du secteur était en fait destinée à la consommation courante. D'où sa négation de tout acte délictuel dont l'auteur serait voué aux enfers. Il décida tout de même de déclencher une enquête discrète. Très vite apparaîtront des indices puis des preuves irréfutables sur d'importantes malversations. Comme il apparaîtra que ces dernières étaient l'œuvre d'un imam, exégèse du Coran qui plus est. Bien qu'il ait tenté de se disculper affirmant, à qui veut l'entendre, que les sommes en question sont disponibles dans sa caisse personnelle et qu'il les avait gardées pour la réfection de la mosquée, il sera suspendu de ses fonctions. Sa déclaration étant contradictoire avec le règlement surtout en matière de réfection, mission entrant strictement dans les prérogatives de la direction des affaires religieuses. En fait, cet imam avait un complice tout autant influent dans le cercle de sa direction. C'est sur leur instigation que se faisaient et défaisaient les promotions et les désignations des imams et autres fonctions administratives. C'est pourquoi, l'opinion publique a été très secouée en apprenant le détournement de plusieurs centaines de milliers de dinars, fruit de la zakat. A disparu également une importante somme d'argent, qu'un bienfaiteur grossiste, pharmacien de son état, avait remise en main propre à l'imam. Ses actes et ceux de son complice ayant été découverts, l'imam tentera une sortie honorable en proposant au pharmacien sa voiture une Peugeot 206 blanche, en contrepartie de la somme disparue. « Je n'ai pas besoin de voiture. Je vous ai remis cette somme pour la zakat, c'est-à-dire pour les pauvres et les démunis. Je ne comprends pas que vous puissiez commettre un tel acte. Dieu vous jugera », avait répondu le pharmacien. Secouée, l'opinion publique s'interroge sur le fait que la direction de tutelle ne se soit pas aperçue de la disparition en quelques semaines de plusieurs centaines de milliers de dinars, fruit des dons et de la zakat ? Grossière erreur d'appréciation d'un imam dont le niveau de vie de tous les jours était visiblement supérieur à son salaire ? Complicité dans la gestion de ces fonds ? Manque de clairvoyance des préposés au contrôle des recettes ? S'agit-il éventuellement d'obscurs financements politiques ? C'est sur ce dossier explosif que le ministre, tout en prenant les mesures conservatoires à l'encontre de l'ensemble des cadres impliqués, devrait se prononcer. Egalement secoués comme ils ne l'ont jamais été, les imams de la wilaya de Annaba ont unanimement condamné l'acte et les auteurs. Jusqu'à la veille du Ramadhan, un d'entre eux coulait des jours heureux avec le détournement des dons qui lui étaient remis ou collectés d'une manière ou d'une autre. La direction ne compte pas s'arrêter à ce niveau de l'enquête. Elle a entrepris d'autres investigations, notamment sur les sommes collectées lors des quêtes du vendredi pour être remises le lendemain à ses services. Là également, il y a beaucoup d'anomalies à découvrir, nous dit-on.