Chaque mercredi, des charlatans investissent le souk hebdomadaire de Lakhdaria pour se faire de l'argent sur le dos d'honnêtes citoyens malades et crédules. Assis à même le sol ou debouts devant des étals jonchés de potions et de vieux livres, ces charlatans, des hommes d'un certain âge pour la plupart, passent le temps que durera le souk à vanter les mérites de leurs « médicaments ». Des médicaments, à en croire leurs vendeurs, qui guérissent tout et tout de suite. Ainsi, par exemple, pour 200 DA, ou moins chez certains, on pourrait soigner un ulcère ou des hémorroïdes. Qui dit mieux ? Mais c'est incontestablement un taleb, relativement jeune, qamis (gandoura) blanc immaculé et turban assorti, assis sur un petit tapis et adossé à sa voiture, qui fait les plus belles affaires au souk de Lakhdaria. Avec un qalam (plume) en roseau et une encre tirée de la laine de mouton, il vous fait, en 5 mn, un talisman sur mesure. Questionné par nos soins sur ses prix, le jeune taleb, l'air méfiant, a hésité quelques secondes avant de lâcher, sourire aux lèvres : « ça dépend de ce que vous voulez. Des talismans pour la chance, contre le mauvais œil …, je les fais à 600 DA la pièce. » Nul besoin alors d'être calculateur pour déduire que cela lui rapporte gros, sachant que les clients, des femmes en majorité, se bousculent devant son tapis. Après un tour chez les charlatans du souk de Lakhdaria, l'on se demande tout de suite si on est en 2008 ou en 1008. On se pose aussi une autre question et pas des moindres. A quoi servent les médecins, toutes spécialités confondues, si on peut soigner des maladies, aussi graves les unes que les autres, avec une potion achetée au souk du coin ? Le sous-développement n'est décidément pas économique uniquement …