C'est phénoménal, la petite monnaie risque de disparaître. Economie cherche dinars. Et pour cause, les commerçants ont toutes les difficultés à rendre la monnaie aux clients. La scène qui se déroule devant nous en donne la mesure. Nacer, un quinquagénaire, brandit son billet neuf de 500 DA pour acheter son paquet de cigarettes quotidien d'une valeur de 110 DA. Le buraliste affiche une moue gênée avant de lui expliquer qu'il n'a pas de quoi lui faire le change. « J'ai une pièce de dix, si ça peut aider », propose Nacer. Le commerçant, reconnaissant, accepte la pièce et lui demande de patienter. Il va en fait chez son voisin pour lui demander de la monnaie. Pendant ce temps, le client nous confie qu'il a toujours des pièces sur lui. « Quand je sors les pièces de mes poches pour payer un commerçant, ce dernier veut toujours me les échanger contre un billet », précise-t-il. Des clients qui proposent de la monnaie aux commerçants ne sont peut-être pas assez nombreux. Il n'empêche que la demande, très souvent angoissée, de la monnaie est comme entrée définitivement dans les mœurs. Les commerçants achoppent toujours sur la pénurie de la petite pièce. Mais le phénomène qui s'étend sur nombre d'activités peut se multiplier sans fin dans la journée. Il touche plusieurs professions marchandes. Illustration. Un chauffeur de taxi dépose deux jeunes filles à leur domicile et réclame 75 DA pour la course. L'une d'entre elles lui tend 70 DA. Le chauffeur ne proteste pas lorsque la cliente, déjà sortie, se retourne vers lui et lui demande : « C'est bien 75 DA, dites-vous ? » Elle a tout simplement oublié de lui donner les 5 DA restants. Le chauffeur de taxi, habitué au problème de monnaie, n'a pas songé un instant qu'il s'agissait là d'un oubli. Sur ces entrefaites, la cliente lui donne le reste dû tout en s'excusant. En effet, il faut dire que des situations de ce genre sont monnaie courante en Algérie. C'est le stress « monétaire » quasi-général. Certains expliquent cette raréfaction par la dévaluation du dinar. De toutes petites pièces comme les 50 centimes, 20 centimes et autres rondes ont carrément disparu de la circulation. Et la pièce de 1 DA ne vaut plus rien de nos jours. Pour pallier ce manque, Mokrane Berkane, 30 ans, employé dans une boulangerie, doit faire l'appoint avec « les gardiens de parking ou encore les propriétaires de cafétérias tous les mois ». Les taxiphones, qui ne fonctionnent qu'avec les petites pièces, doivent eux aussi en quémander auprès des buralistes.De ce fait, plusieurs produits, comme la baguette de pain, voient leur prix s'arrondir à la dizaine supérieure pour éviter de rendre la monnaie. Le site internet de la Banque d'Algérie indique qu'elle compte plus d'un billion de pièces et billets en circulation, mais ne dissocie pas les deux. Les petites pièces ne sont pas frappées de portraits d'hommes célèbres mais d'animaux sauvages. La chasse à la pièce ne peut mieux s'accommoder ! Ali Benyahia , Lamia Dzanouni