La liberté ! C'est le trésor de Mahmoud Darwich. Durant toute sa vie, il lui vouera un culte. Son sens de la liberté est devenu mythique. Liberté du peuple palestinien, liberté des opprimés, liberté des amoureux : -Malheureux celui-là qui n'a pas sur la terre Un coin d'ombre et de paix où venir solitaire Puiser toute la vie éparse en l'éther bleu Et qui n'a pas connu, loin des bruits de guerre, L'apaisement de l'air sur la mer où flotte dans le soir l'esprit de liberté Que de paix se devine en son aridité. La paix malgré l'aridité ; la liberté au chemin semé d'obstacles de tous genres. La liberté qui se cache aux creux de presque tous les poèmes de Mahmoud Darwich. C'est normal qu'elle se dévoile dans l'humidité des larmes, cette source qui abreuve malgré la « minisculité » de ses gouttelettes, sous l'ovale de l'œil, sur la pente de la joue. Larmes des veuves, des orphelins, des blessés qui donnent au pouvoir d'aspersion, d'immersion un aspect bien particulier, bien « humecté » et… bien mélancolique : Le vent souffle un air humide et le ciel triste et gris descend si près des toits qu'on étouffe à Paris. Je rêve à ma Palestine, à ses rocs de granit, au bruissement clair de la mer sur la grève, aux landes, aux genêts, aux pins, aux chemins creux, aux menhirs anciens, aux valons vaporeux, là, tout est mélancolique, le ciel et la mer, les rochers et les champs, les coteaux, les bourgs et leurs minarets, et cette opacité de l'air attire mes larmes et celles des veuves tristes et fatales qui chantent les poèmes de la terre natale. Malgré l'exil, les larmes, la tristesse, les longues nuits passées dans les aéroports étrangers, Mahmoud Darwich avait une aptitude créatrice qui épure le désir pour le fortifier, lave le regard (au diable les larmes !) pour le faire plus clair, allège le poème pour lui rendre son poids, sa précision métaphorique. Aérée, éclairée, humectée, la poésie de Mahmoud Darwich est capable d'apprivoiser les monstres. Ces monstres de la guerre, de l'oppression aveugle, il fallait en définitive les réduire à néant pour qu'un monde meilleur puisse émerger, pour que la liberté, le bonheur, l'amitié et la fraternité soient l'emblème de l'humanité tout entière. Avec la poésie de Mahmoud Darwich, avec la résistance du verbe, quelque chose a cédé, parce que quelque chose a été « dit ».