L'auteure nous convie dans sa fiction à regarder le passé en face. Agée de 19 ans, Lynda Handala a publié récemment son premier roman intitulé La Voix du Hoggar(1). Yriz la narratrice et son frère jumeau Amayas héritent, après la mort de leur grand-père, M'hand Adhou, de deux médaillons et d'une lettre à travers laquelle il leur confie une mission. Celle-ci consiste à libérer et rendre justice aux Aetzars, une tribu targuie et les sauver ainsi de la disparition. Ils sont bannis à tort par les leurs, le peuple du désert des Kel Ahaggar pour meurtre et vol. Alors, commence pour eux une vie d'errance de près d'un siècle « enchaînés au fond d'eux-mêmes ». A la rentrée des classes, avec son frère, Yriz fait connaissance de son cousin Amestan, qui a, lui aussi, reçu un médaillon du grand-père M'hand Adhou. Les trois anneaux confiés par ce dernier s'emboîtent et forment une clé une fois rassemblés. Elle sert à ouvrir le tombeau qui renferme la dépouille de la princesse targuie, Tileli-Tin-Menora ainsi que des trésors et bijoux. Elle est morte en 1916. La même année est assassiné le père Charles de Foucauld. Commence ainsi la reconstitution du puzzle. Chaque apparition dans le roman d'un nouveau personnage apporte un élément au puzzle ou remet en cause, du moins en partie, tout ce qui a été fait jusque-là pour mettre au jour la vérité. La boîte de Pandore s'ouvre et là, intrigues, meurtres, mémoires fêlées ou tronquées se succèdent pour se métamorphoser en mystère et légende. Ainsi pendant les vacances, les trois adolescents partent à l'Assekrem à Tamanrasset, pour accomplir leur mission. Ils se jettent dans l'inconnu pour réhabiliter une mémoire menacée par les vicissitudes du temps, l'aberration et la cupidité de l'homme. Un voyage épique au risque de leur vie et de l'avenir de la tribu qu'ils veulent sauver pour clarifier le passé. « Nous avons besoin de la véritable histoire pour récupérer notre liberté et reprendre notre place au sein du peuple » (p 62), dit Yiriz. Certes, ils élucident l'assassinat du père de Foucauld et aident les Aetzar à réintégrer les tribus touareg des Kel Ahaggar, cependant que faire pour dissuader la menace de disparition qui pèse sur le peuple du désert ? Faudrait-il s'agripper sempiternellement à ce qu'on croit être ? « Nous devons évoluer et toujours avancer. La preuve est là. Vous, tribu d'Aetzar, êtes restés rattachés à votre passé comme je l'ai été (..) et cela ne nous a menés nulle part (...) J'ai compris au fil du temps que ça nous enlisait, nous entraînait loin de la réalité et de tout ce qui s'y rattachait, bien ou mauvais mais jamais aussi néfaste que ces souvenirs stagnants... J'ai compris qu'au lieu de reculer et de croupir dans le passé, dans un monde sur lequel nous n'avons malgré nous aucune emprise, il fallait avancer, agir. Vivre dans notre temps. Considérez-vous que vous êtes dans une nouvelle ère ! Nous venons de mettre au jour la vérité, de révéler tous les secrets que recelait votre histoire et, ainsi, lever la malédiction. Construisez à présent. Je crois que c'est ainsi que vous pourrez le mieux réussir. Evitez de retourner sur vos pas », (p 210), indique Amestan au peuple du désert. Le roman traite de l'identité et de la mémoire mais pas avec une vision passéiste. L'auteure nous convie à aborder le passé en le regardant en face. Un passé avec lequel il faut se réconcilier pour ensuite, se consacrer à définir de nouveaux horizons.. (1) Lynda Handala Les Voix du Hoggar. Editions Dalimen 2008. 218 pages.