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Le Pakistan s'installe dans l'après-Musharraf : Une équation complexe
Publié dans El Watan le 20 - 08 - 2008

Les problèmes commencent pour la coalition au pouvoir au Pakistan. Elle a, il est vrai, contraint à la démission le président Pervez Musharraf, mais il n'est pas cette fois évident que l'alliance, qui la fonde, aille bien au-delà de ce dénominateur commun.
Aussi bien le PPP (Parti du peuple pakistanais fondé par la famille Bhutto) que la Ligue musulmane de l'ancien Premier ministre, Nawaz Sharif, devront démontrer l'inverse du discours d'adieu de celui qui incarnait la cible parfaite ou encore la source de leurs maux, même si, lui aussi a bien des choses à dire sur la classe politique. Mais est-ce que cela lui conférait le droit d'intervenir dans le jeu politique ? Très probablement, toute la question est là pour un pays qui a souffert de tant d'années d'instabilité et de violence. Les partis de la coalition, qui ont accouché très laborieusement de cette procédure de destitution et, au-delà, du sort de M. Musharraf qui les divisaient, se déchirent sur presque tous les sujets depuis la formation du gouvernement, en mars. Le PPP de l'ex-Premier ministre, Benazir Bhutto, assassinée en pleine campagne électorale fin décembre dans un attentat suicide, dirige l'actuel gouvernement. Le second pilier de la coalition, le parti de l'ancien chef du gouvernement, Nawaz Sharif, grand rival de Mme Bhutto dans les années 1990, a quitté le gouvernement tout en continuant de le soutenir au Parlement, précisément parce que le leader du PPP, Asif Ali Zardari, le veuf de Mme Bhutto, traînait les pieds pour évincer le chef de l'Etat. En ce sens, les dirigeants de la coalition gouvernementale, qui ne semblent pas avoir encore d'alternative, devaient se retrouver hier pour discuter d'un successeur au président Pervez Musharraf, démissionnaire, et du sort des dizaines de juges que le chef de l'Etat avait limogés l'an dernier. M. Musharraf a démissionné, lundi, à la veille du lancement par le gouvernement d'une procédure de destitution à son encontre. La coalition avait préparé un acte d'accusation reprochant à M. Musharraf d'avoir violé la Constitution en imposant l'état d'urgence, en novembre 2007, et en limogeant des magistrats de la Cour suprême qui auraient pu contester sa réélection un mois plus tôt.
La tâche du gouvernement de coalition, déjà très fragilisé par des querelles intestines, s'annonce délicate. « Les dirigeants vont discuter des questions relatives à l'après-Musharraf, parmi lesquelles l'élection présidentielle, le rétablissement des juges dans leurs fonctions et la situation politique », a indiqué Farhatullah Babar, porte-parole du PPP de la défunte Benazir Bhutto et première formation de la coalition. Le PPP est allié à la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l'ex-Premier ministre Nawaz Sharif et à des petits partis ethniques et religieux. La réunion multipartite devrait se tenir à Islamabad dans la résidence du veuf de Mme Bhutto et co-président du PPP, Asif Ali Zardari. Le président du Sénat, la chambre haute du Parlement, Mohammedmian Soomro, assure la présidence par intérim depuis lundi, il restera en fonction jusqu'à la prochaine élection d'un chef d'Etat par le Parlement et les quatre assemblées provinciales du pays. « L'élection d'un nouveau Président doit se tenir d'ici à 30 jours après que le poste eut été vacant », a rappelé le porte-parole de la commission électorale, Kanwar Dilshad. La coalition envisagerait comme candidats présidentiels Mehmud Khan Achakzaï, de la province du Baloutchistan (sud-ouest) et Aftab Shoban Mirani de la province méridionale du Sind, selon des responsables officiels. Le choix pourrait aussi se porter sur des femmes, comme Fehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, ou sur la sœur de M. Zardari, Faryal Talpur, a-t-on appris de mêmes sources. Par ailleurs, « la question des juges devrait probablement être réglée aujourd'hui », a indiqué le ministre de la Justice, Farooq Naik.
M. Musharraf avait limogé des dizaines de magistrats de la Cour suprême sous le régime de l'état d'urgence en novembre 2007, redoutant qu'ils jugent illégale sa réélection controversée du 6 octobre 2007. MM. Zardari et Sharif étaient finalement convenus de rétablir ces juges dans leurs fonctions, y compris l'ex-président de la Cour suprême, Iftikhar Muhammad Chaudhry, mais ils ne l'ont pas fait jusqu'à présent. « Les partenaires de la coalition vont s'entretenir de dossiers politiques importants, mais je ne peux pas dire que des décisions définitives seront annoncées aujourd'hui. Aucune décision ne sera prise à la va-vite », a prévenu la ministre de l'Information, Sherry Rehman. Le cas Musharraf étant finalement réglé après de très laborieuses tractations, la fragilité de la coalition demeure l'inquiétude essentielle des analystes et de la presse pakistanais. C'est cela le Pakistan. Et c'est ce qui confère une réelle complexité à cette équation.


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