Tous les Algériens se souviennent sans doute de cette pitoyable prière adressée par une mère éplorée sur son lit d'hôpital, au président Zeroual juste après l'attentat du boulevard Amirouche en 1995. « Faites quelque chose M. le président ! » « Nous ferons le nécessaire Madame ; nous sommes conscients… », lui répondit, ému, l'ex-président de la République. Cette image d'un chef de l'Etat au chevet des blessés d'un attentat fut tellement poignante qu'elle avait touché tout le monde. Elle avait traduit l'union sacrée dans la douleur. Elle se voulait une belle image de communion – même dans la douleur – entre le président et son peuple. C'était vraiment émouvant et... rassurant. Treize années après, l'attentat des Issers offre les mêmes « ingrédients » de peur, d'angoisse et bien sûr de victimes humaines. Mais les rescapés des Issers et de Bouira pansent leurs blessures dans une grande solitude. A défaut de trouver une oreille attentive comme ce fut le cas pour la rescapée du boulevard Amirouche, ils doivent se résoudre à refouler leurs angoisses à l'hôpital de Tizi Ouzou, une ville que Bouteflika fuit depuis longtemps. En ces douloureuses circonstances, les familles des victimes de Bouira et des Issers, mais aussi tout le peuple algérien, auraient dû avoir droit à un élan de commisération et à un geste de compassion de la part du chef de l'Etat. C'est la moindre des compassions que pouvait manifester un président à l'égard de son peuple meurtri. Malheureusement, Abdelaziz Bouteflika a préféré ne présenter ses condoléances qu'au vice-président zambien suite au décès du chef de l'Etat de ce pays. Pas un mot sur les 80 victimes algériennes de la barbarie terroriste ! Il est affligeant de se rendre compte que les douleurs algériennes sont à ce point muettes. Qu'est-ce cela pourrait bien signifier qu'un président de la République ne se sente pas concerné par le drame de son peuple alors qu'il reçoit des messages de condoléances des quatre coins du monde ? Qu'est-ce que finalement la présence de l'Etat si son premier patron prend ostensiblement ses distances des souffrances de ses concitoyens ? C'est pourtant un véritable SOS que les Algériens lancent aux autorités à quelques jours du mois sacré du Ramadhan. L'inquiétude est d'autant grande que ce déchaînement terroriste sans précédent depuis longtemps ne semble pas sortir les hautes autorités de leur quiétude estivale. Eh oui, Yazid Zerhouni est sûr que « ces attentats n'ont pas de visées politiques ». Autrement dit, tant que les terroristes ne contestent pas – par leurs méfaits – le régime, cela pourrait rassurer… La bataille pour le pouvoir est donc sauve. Le reste, tout le reste ne serait qu'une suite sans fin de la chronique terroriste ; avec la bénédiction de la réconciliation nationale cette fois ! « L'homme qui ne connaîtrait pas la douleur, ne connaîtrait ni l'attendrissement de l'humanité ni la douceur de la commisération », a dit le grand Rousseau.