A quelques jours seulement du mois de Ramadhan, les commerçants s'adonnent d'ores et déjà à un jeu de spéculation de haute voltige. Lors d'un point de presse tenu, hier, dans les locaux de l'Union générale des commerçants et des artisans algériens (Ugcaa), l'on prévoit dès maintenant une hausse des prix des légumes, donnant comme prétexte une sous-production dont souffrirait le marché de gros. « Il y a manifestement insuffisance sur le marché de gros, du moins sur les cinq marchés de gros du centre du pays. Ce constat nous entraîne dans des prévisions d'une hausse inévitable des prix, si l'on se base sur la forte demande prévue durant chaque mois de Ramadhan », a dit M. Medjbar, le président de l'association des commerçants du marché de gros des Eucalyptus, invité hier par l'Ugcaa. Selon lui, la production saisonnière a connu une forte baisse par rapport à l'année dernière. « Le marché ne tient actuellement qu'à un fil : la production des Hauts-Plateaux », a-t-il justifié. M. Medjbar a posé, ensuite, un autre problème lié au manque d'infrastructures de distribution et a évoqué le projet national de 50 marchés de gros et quelque 500 autres espaces de vente couverts qui n'a jamais vu le jour. Les instances officielles dénoncent, elles, ce qu'elles qualifient d'anticipation pure et simple sur la hausse des prix, mettant ainsi le marché des fruits et légumes au régime d'une véritable bourse des valeurs qui ne rime qu'avec augmentation. Interrogé sur cet élan spéculatif qui semble se projeter sérieusement sur les marchés, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural rejette dans le fond et dans la forme le constat établi par les commerçants. Le chargé de communication au département de Rachid Benaïssa infirme carrément les hypothèses avancées par M. Medjbar relatives à l'insuffisance de la production. « Le vrai problème qui peut se poser est celui lié au circuit de commercialisation », nous dira Djamel Berchiche, chargé de communication au ministère de l'Agriculture et du développement rural. Et de préciser : « Les spéculateurs font pression pour créer la tension sur le marché afin de maintenir les prix des produits à des niveaux élevés. » Selon notre interlocuteur, cette pression constatée à l'approche du mois de Ramadhan s'exerce surtout sur certains légumes, à l'instar de la tomate, le piment et le poivron. Les agriculteurs, quant à eux, ne cessent de crier à « l'arbitraire ». Il y a quelques jours, ces derniers ont dénoncé les tarifs d'achat « injustement bas et les prix de vente scandaleusement élevés », donnant ainsi matière à réflexion quant aux comportements douteux des marchands. Sur la mercuriale de cette semaine, les prix affichés en inquiètent plus d'un. Fraîche, la pomme de terre affiche 40 DA le kilo, alors que celle provenant des chambres froides est proposée à 30 DA. La tomate est cédée à 40 DA, les haricots verts à 100 DA, la carotte à 50 DA, la courgette à 60 DA, le poivron et le piment à 90 DA et l'oignon à 25 DA, alors que la laitue qui, habituellement, orne les tables, est pratiquement introuvable ou commercialisée à des prix qui dépassent l'entendement. Pour ainsi dire, les pics de ces derniers jours semblent injustifiés si l'on se réfère aux explications du ministère de l'Agriculture et du développement rural et sont donc l'effet direct de la spéculation. Alors, s'agit-il en fin de compte d'un dysfonctionnement qui semble exister sur le circuit de commercialisation ou bien l'effet de la « loi » de l'offre et la demande ? Au ministère du Commerce, l'on privilégie plutôt la seconde option relative à la « loi » de l'offre et de la demande. Quant à l'activité de régulation, le département de Hachemi Djaâboub se sent non concerné par le marché des fruits et légumes et « rejette la patate chaude » au département de Rachid Benaïssa. « Le ministère du Commerce est concerné beaucoup plus par la qualité et le contrôle des produits subventionnés par l'Etat, à savoir la semoule, le lait, le pain et la farine », nous explique une source du département de Hachemi Djaâboub ayant requis l'anonymat. Le ministère du Commerce se désengage ainsi carrément de cette affaire de hausse des prix des fruits et légumes. Les ménages, eux, pris dans la gueule du loup, crient à l'« arnaque » à grande échelle.