La famille Obama et avec elle l'Amérique des minorités vivent réellement un conte de fée. Comme au cinéma, dira-t-on, mais cette fois, c'est du vrai. Ce n'est pas du cinéma. Mais en fin de compte, c'est l'Amérique qui vit une espèce de révolution que l'on croyait impossible, sinon invraisemblable, au début de cette année. C'est-à-dire lorsque Barack Obama, noir ou métis comme on le présente et objet de nombreux sarcasmes, se lançait à l'assaut des électeurs démocrates, y compris par la puissante machine du parti qui avait fait de lui un sénateur cinq années auparavant. Et comme pour partager les rôles ou encore les charges et les mérites de cette opération susceptible de bouleverser le paysage politique et social des Etats unis, avec l'élection du premier président noir, c'est Michelle Obama, qui pourrait quant à elle devenir la première « First lady » noire si son mari est élu en novembre, qui a lancé, hier soir, à Denver dans le Colorado, la 45e convention démocrate. Le père de M. Obama, un étudiant du Kenya, a abandonné mère et enfant quand le jeune Barack avait 2 ans. A sa naissance, sa mère, Ann Dunham, avait seulement 18 ans et pas d'emploi fixe. Michelle Obama a connu, elle aussi, une trajectoire en forme de conte de fée américain. « Je suis une singularité statistique. Une fille noire, élevée dans le South Side (un quartier très déshérité) de Chicago... Je ne suis absolument pas censée être là », dit-elle. Parents et enfants vivaient à quatre dans un deux pièces. Son père, Frazer Robinson, employé de mairie, a travaillé toute sa vie, malgré une sclérose en plaques. Marian, sa mère, a élevé les enfants. Michelle a cependant réussi à être admise dans la prestigieuse université de Princeton en 1981. Voilà donc l'Amérique face au principe de la méritocratie. Que faut-il de plus pour être président de la première puissance mondiale ? Une puissante machine électorale. A cet égard, la convention va s'ouvrir sous le signe de l'unité retrouvée, l'ancienne candidate à l'investiture du parti, Hillary Clinton, devant appeler ses fidèles à voter pour Barack Obama. L'annonce, dimanche, de cette décision par un responsable démocrate lève une hypothèque sur l'intronisation du sénateur de l'Illinois, qui pourra ainsi entamer ses deux derniers mois de campagne, fort d'un parti officiellement ressoudé après des primaires longues et âpres. Si M. Obama, 47 ans, est assuré, depuis juin, d'obtenir la majorité des 4200 délégués démocrates, nécessaire pour décrocher l'investiture, l'attitude des partisans de Mme Clinton, dont le nom figurera sur les bulletins de vote de la convention, aurait pu jeter une ombre sur sa victoire. Un responsable démocrate a indiqué, dimanche, que Mme Clinton les laisserait libres de voter s'ils le veulent pour Obama, lors du scrutin prévu demain. Le camp du candidat républicain John McCain a tenté d'attiser les braises, dimanche, en prenant fait et cause pour Mme Clinton, à qui M. Obama avait préféré la veille le sénateur Joe Biden, un expert en politique étrangère, pour former le « ticket » démocrate. Hillary Clinton s'exprimera ce soir devant la convention et son mari, l'ex-président Bill Clinton, souvent très critique à l'encontre de M. Obama durant les primaires, parlera demain soir, quand le vote solennel d'investiture aura lieu. Le « cas Clinton » apparemment résolu, la grand-messe du parti devrait permettre aux démocrates de cheminer sans anicroche vers l'apothéose de jeudi soir, lorsque M. Obama s'adressera à une foule de 75 000 partisans dans le stade Invesco de Denver. Il clôturera une convention que l'on dit réglée comme du papier à musique et dont le résultat ne fait absolument aucun doute. Et, sauf coup de théâtre dont les concurrents républicains feraient leur miel, le hasard n'a pas sa place dans un événement voulu comme emblématique de l'unité et de la solidité de l'organisation politique. « Soyons honnêtes, les amis : il y a malheureusement peu de chances de voir quoi que ce soit de spontané se produire à la convention nationale démocrate », avertit une analyste. Pour Geoffrey Cowan, professeur de communication à l'université de Californie du sud, à Los Angeles et animateur de débats pendant la convention à Denver, « c'est comme un concert d'un artiste célèbre. Vous y allez pour voir le spectacle, même si vous savez parfaitement quelles chansons vont être chantées ». Reste à savoir comment se jouera cette partition. Obama promet le changement. « We can » dit-il, au point d'attirer vers lui tous ceux qui croient en cette perspective. Mais l'Amérique, l'acceptera-t-elle ?