Face à la spéculation montante qui affecte le marché de fruits et légumes, c'est le sacro-saint principe même de l'offre et la demande qui s'en trouve bafoué, foulé aux pieds et réduit à un slogan creux. Et pour cause, les démons de la spéculation sortent leurs griffes et imposent leur diktat sur l'ensemble des marchés publics de la wilaya, ce en dépit de la surabondance des marchandises se déversant chaque jour dans le plus grand espace commercial, charriant au quotidien des milliers de tonnes de marchandises qui proviennent d'une bonne quinzaine de wilayas ; ce principe, celui de l'offre et la demande, occupe, au plan économique, une place prépondérante sur l'échelle régionale et est censé être un baromètre et un régulateur en matière de prix surtout.Il n'en est rien de tout ça. La saignée à blanc des bourses est plus que jamais dans l'air du temps et a commencé à se manifester avec une hausse importante constatée dans la plupart des produits au niveau des principaux marchés publics et des étals. Sans coup férir, les produits de première nécessité, pour ne citer que la tomate et la pomme de terre, sont subitement revus à la hausse. Les agriculteurs, les grossistes et les mandataires se rejettent la balle. Chacun y va de ses arguments et justifications qui, à l'évidence, ne tiennent pas la route. « Les fellahs et les producteurs agricoles sont les premiers générateurs de la hausse des prix des fruits et légumes », selon les uns, « les équipements de froid et les moyens de conservation de ces produits en question sont extrêmement chers, et nous coûtent les yeux de la tête », martèlent les autres. La pomme de terre reprend ses droits C'est ainsi que les principaux acteurs qui régentent cet immense et non moins chaotique espace de négoce tentent de s'en laver les mains aux dépens des pauvres pères et mères de famille qui redoutent le pire à l'approche du mois sacré. Est-ce pour autant un simple fait du hasard ou un concours de circonstances fortuit que la patate, « ce plat du pauvre », se mette de la partie après avoir connu une brève accalmie ? En tout état de cause, le consommateur en doute fort, lui que l'on continue à mettre dans toutes les sauces. « 30 DA le kilo de pommes de terre, mais c'est incroyable, on se paie nos têtes ou quoi ? », s'est écriée une vieille femme scandalisée devant un magasin bien achalandé qui, entre autres, proposait le haricot vert à 90 DA, le poivron, le piment et la salade verte à, tenez-vous bien, 80 DA. La vénérable dame a de quoi perdre le nord, puisqu'en l'espace d'une semaine, le très demandé tubercule, qui s'écoulait à 15, mieux, à 12 DA, s'est vu majorer d'au moins 10 DA/kilo. « Une aberration, sinon du vol tout court, et dire que l'on s'apprête à accueillir le mois de la rahma (clémence) », a lancé, en guise de flèche du Parthe, un père de famille qui repartira bredouille, le couffin vide à la main. A propos de salade verte, disons que cette plante potagère a connu des cimes vertigineuses cet été. De 30, 40 puis 50 DA le kilo, elle brûlera cependant toutes les étapes pour se stabiliser depuis plusieurs semaines entre 70 et 80 DA. Une surenchère que d'aucuns qualifient d'aberrante, d'extravagante et…de malhonnête. Et le mot n'est pas fort, pour la simple raison que la plupart des commerçants prennent bien soin d'arroser abondamment, et sans aucune gêne, la laitue avant de la servir au chaland qui observe sans broncher. Les prix prohibitifs de la carotte, la courgette, le raisin et la figue, cédés respectivement à 40, 60, 140 et 150 DA, sont les prémices d'un Ramadhan qui s'annonce douloureux pour la majorité des familles au revenu modeste.