Des familles de disparus ont manifesté hier, Place du 1er Mai à Alger, pour commémorer la Journée internationale des disparus. Un sit-in organisé par SOS Disparus, le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), avec la participation de l'association Bnet Fatma N'Soumer. Une trentaine de femmes arboraient des pancartes et les portraits de leurs jeunes proches disparus. « Actes de décès délivrés mais où sont les corps ? L'argent ne calmera jamais notre douleur », lit-on sur ces pancartes. L'allusion est faite aux dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation, une « agression morale », selon les familles de victimes, et qui conditionne l'indemnisation des proches de disparus et la fermeture des dossiers par l'officialisation, par les familles, du décès de leurs proches. La charte empêche toute poursuite contre un auteur présumé de rapt. Selon un avocat proche des victimes, « l'indemnisation est un droit reconnu par le code civil et n'a donc pas besoin d'être conditionné autant que la poursuite pénale contre quiconque porte atteinte à une personne ou un bien, consacrée par la Constitution ». « Tout ce que veulent ces familles, c'est de retrouver les sépultures des leurs pour faire leur deuil », dit Dalila Zekkal de Bnet Fatma N'Soumer. « Président Bouteflika, pourquoi avoir peur de la vérité ? », clament les familles victimes devant les passants de la Place du 1er Mai. Des gens s'arrêtent, posent des questions. Un mot d'encouragement par-ci, une indignation par-là : « c'est criminel », réagit un jeune du quartier qui aide une vieille mère à tenir la longue banderole. Depuis Genève, le groupe de travail onusien s'est inquiété hier « qu'à la suite de violations des droits de l'homme dans certains pays, les cas de disparitions forcées ne soient pas résolus pendant la période consécutive au conflit ou pendant la transition démocratique ». Dans son communiqué publié à l'occasion de la Journée mondiale, le groupe onusien rappelle que « c'est pourtant une obligation des Etats de mener des enquêtes, comme l'indique la Déclaration pour la protection des personnes contre les disparitions forcées ». Le groupe de travail s'est dit également « préoccupé par les lois d'amnistie et les mesures conduisant à l'amnistie, car elles conduisent à l'impunité et sont contraires à l'article 18 de la Déclaration ». L'Etat algérien, qui a signé ladite déclaration, a reconnu 6146 cas de disparitions qui sont le fait des « agents de l'Etat ». Plusieurs ONG nationales et internationales avancent des chiffres avoisinant 20 000 disparus. « L'Etat pensait qu'on allait oublier, dit une mère en retenant ses larmes, il comptait sur ça. Mais à chaque approche du Ramadhan, je vis encore plus l'enfer. Ils l'ont pris à la même période, il y a dix ans. »