Les aoûtiens rentrent du bled. Comme chaque année, c'est l'heure des retrouvailles à l'aéroport d'Orly entre ceux qui ont eu la chance et les moyens de prendre des vacances et ceux qui sont restés (malgré eux) à Paris. Scènes originales dans la nuit moite. Dehors, le temps est à l'orage. Paris : De notre bureau A l'intérieur de l'aéroport d'Orly Sud, les gens étouffent malgré la climatisation. A la sortie 1, les familles venues attendre leurs proches discutent entre elles. Ce vendredi, à 21h 40, la discussion tourne principalement autour de la météo et des passagers qui n'arrivent pas. Deux vols en provenance d'Alger sont attendus. Une demi-heure plus tard, pas le moindre passager. Les regards sont fixés sur la porte d'où les arrivants devraient sortir. Une certaine fébrilité. « Ce n'est pas grave comme retard, c'est la demi-heure syndicale », s'esclaffe un vieux monsieur. Les plus impatients harcèlent le bureau d'information. L'agent fait montre d'une patience stoïque : « Oui, le vol d'Aigle Azur est dans les temps, celui d'Air Algérie aussi. Les passagers sortiront dans 30 à 40 minutes, le temps de récupérer leurs bagages et de passer à la PAF. » Il répète sa phrase avec un sourire désabusé. Des passagers franchissent enfin la porte. Fausse alerte : des têtes blondes revenant de vacances du Maroc. Le vieux monsieur s'approche du bureau d'information et se lance dans la réorganisation de l'aéroport d'Orly. Ses explications sont écoutées poliment par l'agent. Dans un français approximatif, il développe son plan tout en cherchant du regard l'approbation de la foule. Personne ne fait attention. Les fumeurs sortent patienter dehors. Effet double aquarium. Derrière la vitre, les fumeurs sont plus crédibles en poissons que ceux qui sont restés à l'intérieur du bâtiment. La rentrée scolaire est prévue pour le 4 septembre. Les Algériens et les Franco-Algériens vivant en France, appelés abusivement immigrés ou « zimigrés » des deux côtés de la Méditerranée, rentrent de leur pays d'origine. Hamid est venu avec sa fille de dix ans attendre sa famille partie deux mois en Kabylie. « C'est la troisième année qu'on subit les vacances séparées, pouvoir d'achat oblige. Cet été, mon épouse, ma fille benjamine et ma mère ont fait le voyage. Coût total : 3000 euros entre le voyage et les frais, satanés cadeaux compris », ironise Hamid. Cadre dans une entreprise publique, il avoue avoir des difficultés à dégager un budget pour les vacances. « Le mois de septembre est toujours difficile. Rentrée scolaire, taxe foncière, taxe d'habitation, impôts, tout arrive en même temps. Il faut se serrer la ceinture et attendre le 13e mois. » Les langues se délient, l'attente risque de durer. Azzedine attend avec impatience l'arrivée de son épouse. « Nous nous sommes mariés il y a plus d'un an à Oran. Elle n'a eu son visa qu'en juillet dernier. J'ai écourté mes vacances pour préparer sa venue. Le plus dur commence pour nous. C'est la première fois que nous allons vivre réellement ensemble. » Mouvement de foule. Une centaine de personnes se ruent vers le périmètre d'arrivée. Le vieux monsieur regarde sa montre et note à haute voix que le retard est de presque deux heures. Sourires dans la foule. Les passagers du vol Air Algérie sont les premiers à franchir la porte. Embrassades maladroites, hésitantes. Un jeune amoureux lance à son amie qui vient de débarquer une déclaration d'amour pour le moins surprenante : « Je suis tellement content de te voir, comme si je voyais mes parents. Je suis très ému ! Cela fait près de trois mois, une éternité... » Son amoureuse, encore sous le coup de l'émotion des retrouvailles, ne relève pas. Une vieille dame sur un fauteuil roulant poussé par un jeune agent d'accueil retrouve son fils et commence à lui donner des nouvelles, tout en l'embrassant. Hamid réconforte sa fille, fatiguée. Lui aussi commence à s'irriter. Il est 23h. Plus de discussion. La fatigue a découragé les plus patients. Sort enfin une vieille dame poussant devant elle un chariot rempli de produits ménagers. On scrute son chariot de toutes parts. Elle s'affole. Ses bagages portent l'étiquette Aigle Azur. Elle confirme, à demi-rassurée. Elle est sauvée par son petit-fils qui court vers elle en criant « Azu ! Azu ! ». Un quart d'heure plus tard, il ne reste presque plus personne dans le hall. Hamid respire. Sa famille est enfin au complet. Un adieu et direction le parking. « Les enfants sont fatigués, il faut qu'ils dorment. Et dire que l'année prochaine, c'est rebelote ! », s'amuse-t-il.