Des cinéastes aussi divers que Takeshi Kitano, Ferzan Oztopek, Claire Denis ou Mario Monicelli, qui a montré son très beau documentaire nostalgique sur sa ville, Rome, ont coexisté ces jours-ci par leurs œuvres. Si le cinéma italien aujourd'hui connaît une certaine vitalité, par contre on a peu apprécié le dernier film de Pupi Avati, en compétition, Il Papa di Giovanna. Venise (Italie) : De notre envoyé spécial Une œuvre qui a coûté cher, mais qui reste marquée par un pesant académisme. Un Giorno perfetto, de Ferzan Ozpetek, s'en tire mieux. On aime Stefania Sandrelli quoi qu'elle fasse et elle est parfaite dans cette histoire cruelle de violence conjugale. Pour dire la vérité, la Mostra de Venise vaut mieux avec les films classiques et les documentaires diffusés dans la section retrospective « Cinema ritrovato ». Grâce à la cinèmathèque de Bologne, on a vu, samedi matin, à la sala Pasinetti, le film de Carlo Di Carlo consacré à Michelangelo Antonioni. Un document exceptionnel et inédit. Dans ce film-confession, le cinéaste qui a marqué le XXe siècle de la culture cièmatographique par son style et son langage novateur nous ramène aux sources du grand cinéma. Avec émotion, on écoute sa voix, on le regarde devant la caméra pour une fois, distant d'abord puis ouvert et plein d'humour, parler de sa vie et son travail. Dans cette petite sala Pasinetti, on est à la fois au cœur du palais du festival et loin du bruit et de l'agitation fièvreuse du Lido, quand la foule italienne arrive tôt pour voir passer les stars… De l'autre, salle La Perla située au Casino, on est sortis dimanche soir pas très convaincus par le film Vegas, de l'Iranien Amir Naderi. Naderi a pourtant fait Le Coureur, un beau film du temps où il vivait à Téhéran. Il vit en Amérique et son aura a chuté. Un cinéaste, naguère rageur et insoumis dans son pays, émigre et connaît une fâcheuse éclipse. C'est une histoire connue : celle des artistes qui se coupent de leurs origines. Conclusion : pour rester dans le coup, il vaut mieux ne pas quitter la terre natale. Allende, le martyr La Forza e la ragione, c'est un document unique et extraordinaire filmé par Roberto Rossellini en 1971. C'est une interview de Salvadore Allende dans sa maison, à Santiago du Chili, au moment historique où il prend le pouvoir en tant que chef d'Etat, élu triomphalement par le peuple chilien. Ce film est passé samedi matin à la sala Volpi de la Mostra de Venise dans la section « Questi Fantasmi : cinema italiano ritrovato 1946-1975 ». C'est la cinématheque nationale de Bologne qui a restauré le film de Rossellini. Pour le diffuser, la RAI avait doublé la voix d'Allende en italien au moment où le film était montré en 1973, suite au coup d'Etat et l'assassinat du président dans son palais de la Moncada et retrouvé par la cinémathèque et on entend dans cette version la voix même du président Allende en espagnol, ce qui rend encore plus émouvant le document de Rossellini. La Forza e la Ragione (la force et la raison) est construit sur plusieurs chapitres. D'abord sur Salvadore Allende et son itinéraire personnel. Comme Che Guevara, il était médecin et il dit avoir pratiqué 1500 autopsies… « J'aime la vie, mais je connais les causes de la mort », dit le président à Rossellini. Ensuite, sur son engagement politique, Salvadore Allende a été quatre fois candidat à la présidence du Chili. Comme Lula da Silva au Brésil. C'était un homme pacifiste, il avait toujours choisi la voie des élections démocratiques. « Le Chili, dit-il, est un vieux pays démocratique avec des institutions très stables. » Rossellini l'interroge ensuite sur son programme de gouvernement avec la priorité aux nationalisations, la réforme agraire, les indeminisations des compagnies étrangères, la mobilisation des forces vives du pays. Il demande aux travailleurs chiliens de l'aider à recouvrer l'indépendance économique du pays. Pour le problème des indemnisations, il precise qu'il veut des négociations justes dans les règles du droit. Salvadore Allende dit aussi qu'il n'est pas du tout hostile aux Etats-Unis, dont il connaît les grands écrivains, les musiciens, les peintres. Il a étudié l'histoire et apprécie le génie des fondateurs de la démocratie américaine, comme Jefferson et Lincoln. Le seul problème, ce sont les relations économiques parce que la richesse du Chili, ses capitaux partent aux Etats-Unis. Roberto Rosselini apparaît dans le film lisant ses questions, costume sombre et cravate un peu bariolée, nouée peut-être à la dernière minute. Le président Allende, assis dans son salon, a un visage jeune, intelligent, avec ses fameuses lunettes cerclées de noir. Sobre et concentré, il répond avec une voix très douce aux questions de Rossellini. On le sent très soucieux de faire comprendre son expérience, son projet politique, la position de son pays sur l'échelle internationale. Par la voie d'élections libres, son programme de démocratie sociale, de justice pour le peuple chilien était un rêve latino-américain. Un rêve finalement brisè.