Les talibans sont également responsables de l'aggravation de la situation, car ils utilisent les civils comme « boucliers humains », leurs combattants se réfugiant dans des villages pour tenter de se dissimuler Il a fallu que les populations civiles affichent leur exacerbation et expriment leur colère pour qu'apparaisse dans toute son étendue le bilan réel ou presque de la guerre en Afghanistan qui dure, rappelle-t-on, depuis 2001. Les différents états-majors ont l'argument facile en parlant de bavure ou de dommage collatéral, avant d'annoncer l'ouverture d'une enquête pour le principe ou pour la forme, rien que pour calmer la colère de ceux qui subissent ces tirs. Ce ne sont plus des balles perdues, mais des missiles, cette fois aveugles, qui ignorent jusqu'aux frontières comme le révèlent les dégâts causés en territoire pakistanais. Et comme pour éviter une quelconque polémique au sujet de cette réaction, l'ONU s'est vite mise à compter les morts. Une situation suffisamment embarrassante pour que les langues se délient et que se multiplient les enquêtes. Ainsi, apprend-on, le nombre de civils tués dans des bombardements américains ou de l'Otan en Afghanistan a triplé entre 2006 et 2007 et des erreurs de frappe cet été ont encore exacerbé la colère des populations, affirmait hier un rapport de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW). Les talibans sont également responsables de l'aggravation de la situation, car ils utilisent les civils comme « boucliers humains », leurs combattants se réfugiant dans des villages pour tenter de se dissimuler parmi les habitants, ajoute l'organisation, basée à New York. Le rapport est publié alors même qu'une controverse fait rage en Afghanistan sur le nombre de civils tués lors d'un raid de la coalition, menée par les Américains, le 22 août contre le village d'Azizabad dans l'ouest du pays. Selon le gouvernement afghan, appuyé par l'Onu, 90 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tués dans cette opération, alors que la coalition affirme avoir tué « 30 à 35 talibans » et « cinq à sept civils ». Selon HRW, au moins 929 victimes civiles ont été dénombrées en 2006, dont 230 tuées lors d'opérations de la coalition, 116 dans des bombardements. En 2007, au moins 1633 civils ont été tués, dont 321 par des bombardements. Au cours des sept premiers mois de cette année, pas moins de 540 civils ont été tués, dont 119 dans des bombardements de la coalition, selon HRW. Ce chiffre ne comprend pas les victimes du bombardement du 22 août qui a provoqué un tollé dans le pays, le gouvernement afghan appelant à revoir les règles d'engagement qui autorisent la coalition à combattre dans le pays. HRW affirme que les victimes civiles résultent pour la plupart de frappes ponctuelles d'appui de troupes au sol, plutôt que des bombardements planifiés à l'avance. Le bombardement du village d'Azizabad, où le président afghan Hamid Karzaï s'est rendu jeudi pour présenter ses condoléances à la population, illustre ce problème, la coalition ayant affirmé qu'il s'agissait d'une frappe d'appui de troupes au sol engagées dans un combat. « L'intensité du feu ennemi justifiait l'utilisation de tirs précis par des armes légères et par un soutien aérien rapproché », selon des éléments d'un rapport américain sur l'incident. « Les erreurs de cibles faites par les Etats-Unis et l'Otan ont dramatiquement diminué le soutien de l'opinion publique au gouvernement et en faveur de la présence de forces internationales qui aident à la sécurité des Afghans », affirme Brad Adams, directeur pour l'Asie au HRW, dans un communiqué. « Les victimes civiles de frappes aériennes sont également un outil qui aide au recrutement des taliban », a-t-il ajouté. HRW reproche également aux Américains de ne pas toujours immédiatement reconnaître leur responsabilité pour les victimes civiles. « Les enquêtes américaines (sur les victimes civiles) ont été menées de façon unilatérale et manquent de transparence », affirme l'organisation qui appelle les autorités militaires à compenser financièrement les familles de victimes. Les enquêtes visant à déterminer le nombre précis de victimes de bombardements aériens s'avèrent particulièrement difficiles dans un pays où le sujet fait l'objet d'une intense bataille de propagande et où les organisations indépendantes ont le plus grand mal à se déplacer pour enquêter sur place. En dépit de cela, il y en aura une autre, puisque les forces américaines, qui jusqu'alors niaient, mènent une nouvelle enquête sur le bombardement du 22 août qui pourrait s'avérer une des bavures les plus meurtrières des forces internationales en sept ans. Selon le général Richard Blanchette, porte-parole de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan, de nouveaux indices provenant d'images vidéo montrent des morts, dont des enfants. « Il s'agit d'images vidéo qui ont été mises sur la table », a-t-il déclaré, ajoutant qu'elles ont été « enregistrées sur un téléphone portable par un habitant du village » bombardé. La vidéo montre au moins 30 corps, dont plusieurs enfants, roulés dans des linceuls et des couvertures alignés dans une mosquée. Ce bombardement avait amené le gouvernement de Kaboul à affirmer vouloir renégocier les termes de la présence des forces internationales dans le pays. N'est-ce pas trop peu et même trop tard, puisque cette guerre devenue impopulaire à cause justement des pertes civiles est mal gérée de l'avis même de spécialistes qui parlent d'enlisement.