Le député algérien n'a de compte à rendre à personne, ni à son parti, ni à l'Assemblée populaire nationale, ni aux électeurs. Il peut s'absenter autant de fois qu'il le veut. Un député peut, s'il le désire, rester muet durant toute la période de son mandat. Et cela sans prendre le risque d'être inquiété. Certains parlementaires n'ont pas mis le pied à l'APN depuis les élections du 5 mai dernier. Ont-ils été convoqués ? Ont-ils été rappelés à l'ordre ? Aucunement ! L'absence de contrôle interne et le vide juridique existant au niveau du règlement intérieur et de la loi organique régissant le fonctionnement de l'APN laissent le champ libre à tous les dépassements. D'ailleurs, pour mettre fin à cet épineux problème, certains partis politiques, qui ont déjà eu affaire à des députés indisciplinés, se battent pour une révision de fond du règlement intérieur du Parlement. En attendant, l'APN est souvent marquée par l'absentéisme. Elle reste vide également durant plusieurs périodes de l'année. Ses occupants l'ont désertée au moment même où le premier magistrat du pays a décidé de les récompenser en doublant leur salaire. Celui-ci grimpe ainsi de 133 000 à 330 000 DA ! Ne dit-on pas qu'en Algérie, ce sont toujours ceux qui en font moins qui perçoivent plus ?... Faut-il rappeler, à titre indicatif, que durant la période où le défunt Rabah Bitat était au perchoir (1979-1990), les députés étaient disciplinés et se faisaient une obligation de ramener, en cas d'absence, un justificatif. M. Bitat avait dicté la conduite à suivre et les parlementaires étaient, il faut le dire, assidus et accomplissaient sans tricherie leur mission de représentants du peuple. C'était par acquis de conscience qu'ils agissaient de la sorte et non par crainte de représailles. Dans d'autres pays, à l'image de l'Espagne, le bureau de l'Assemblée procède à des ponctions sur les salaires des députés abandonnant sans motif leur chaise. Aujourd'hui, en Algérie, il n'existe aucune base sur laquelle on peut convoquer un député qui abuse de l'argent des contribuables et qui brille par ses absences. En revanche, les députés perçoivent leur salaire jusqu'au dernier centime sans même faire de la figuration, ne serait-ce qu'une fois durant leur mandat de cinq ans. La preuve : la rentrée sociale a eu lieu et les bambins de 5 ans ont rejoint le banc de l'école sans que les députés ne se soient manifestés. Comme d'habitude, personne à l'APN ne s'est senti concerné par les problèmes rencontrés par la population. Les élus du peuple ont choisi de se réfugier, en ce mois sacré, dans leurs wilayas respectives en attendant le sifflet du gouvernement, confirmant ainsi que le Parlement n'est qu'une chambre d'enregistrement juste bonne à égayer la galerie ou orner la « façade démocratique » du pays. Le RCD, par le biais de son chargé de communication, M. Khendak, tente d'apporter des clarifications quant à cette situation. M. Khendak convient que le fonctionnement de l'APN est loin de répondre aux attentes des citoyens. De son avis, le député n'est pas tenu de se présenter chaque jour à l'hémicycle d'autant qu'il a des obligations sur le terrain. Cependant, il admet que l'état d'esprit qui existe au sein de l'Assemblée et chez les députés pousse ces derniers à être démissionnaires et à négliger leur mission initiale. Sinon, qu'est-ce qui aurait empêché l'APN de dégager une commission ou un groupe de travail pour s'enquérir des conditions dans lesquelles a eu lieu la rentrée scolaire ? Rien non plus n'aurait empêché l'Assemblée de désigner des députés pour contrecarrer les propos du ministre du commerce qui parle de baisse des prix des produits alimentaires alors que la réalité démontre le contraire. « Le député n'a pas de limite dans ses prérogatives. Il existe une multitude de sujets sur lesquels il peut se pencher et soulager ainsi les citoyens, mais la volonté à tous les niveaux fait défaut », a souligné une source proche de l'APN. Le représentant du RCD défend le député et reproche plutôt à l'administration sa réticence envers les élus. « Les walis refusent de travailler avec les députés et ce, en dépit de l'instruction du ministre de l'intérieur. De mon point de vue, tant que l'élu n'a pas un statut qui définisse ses prérogatives vis-à-vis de l'administration, il aura toujours les mains liées », a plaidé M. Khendak, qui regrette que la léthargie qui prévaut actuellement au niveau du politique et en haut lieu se répercute incontestablement sur le député. « Tout le monde est accroché à l'annonce de la candidature de Bouteflika et à la révision de la constitution. Un pays qui s'accroche à ce genre d'appréhensions n'est pas près de se développer », déplore M. Khendak. Par ailleurs, pour certains observateurs, cette défaillance n'incombe pas uniquement à l'APN, mais elle est partagée entre les députés et le gouvernement. Il est aussi inadmissible que le secrétariat général du gouvernement chargé de déposer les projets de loi au niveau de l'APN n'envoie aucun texte depuis plusieurs jours. Hormis la commission des finances, qui se penchera à partir d'aujourd'hui sur l'élaboration de la loi de finances 2009, les 11 commissions restantes chôment. A titre de rappel, certaines commissions n'ont jamais eu à traiter un projet, car elles ont été mises en place à des fins purement politiques.