Marécage, dirions nous ; sinon secteur sans loi ni droit pour rester dans le politiquement correct de l'air du temps : on assiste à un renforcement d'une bipolarisation des discours légitimes sur la liberté de la presse, écrite et audiovisuelle. Ceux de journalistes en échange conflictuel avec des représentants de l'Etat. Des éditeurs ajoutant leurs mots, épisodiquement, à l'élan de cette fabuleuse liberté, « la mère des autres », en ce qu'elle peut permettre l'expression globale et différenciée de la société. En particulier ses segments de « sans voix » : populations des campagnes subissant le double désastre de la paupérisation post-indépendance et du terrorisme intégriste ; nouveaux chômeurs brutalement cassés par le bradage du patrimoine public industriel ; jeunesse flouée par une prétendue démocratisation des structures de formation. Dans cette mare donc, pas plus que de celles des managers de la longue liste des partis, ne sont audibles d'autres voix pour revendiquer le principe que la liberté de l'information fait partie du patrimoine des droits humains. Cette bipolarisation masque gravement une stérilisation des capacités de développement du secteur dans le sens de la démocratisation, car la corporation des journalistes est atomisée et les entreprises médiatiques (journaux privés et audiovisuel) subissent de plein fouet l'empire de la marchandisation : écoutez le bourdonnement incessant des spots de pub des radios d'Etat et de placards de journaux - sans qu'on ait la liberté « formelle » de radios privées - qui nous racontent que sans Djezzy on ne pourrait communiquer. Notez les factures impayées aux imprimeries publiques en règlement d'une colossale connivence due aux gouvernants par au moins la moitié des titres quotidiens, les managers de ces entreprises se moquant des droits de leurs journalistes. Admirez les tours de passe-passe entre le boss de la télé gouvernementale et Sa Majesté Bouteflika, le premier n'arrêtant pas de bourrer, en prime time, l'ENTV de débiles émissions de jeux - produites en Tunisie - avec un nouveau show du concurrent de téléphonie mobile Nedjma « pour faire rêver les Algériens », promet la boîte. Le second dévoilant dans son dernier discours (trois pleines pages d'El Moudjahid, 20 décembre) le « chantier de la télévision numérique terrestre ». Mais quels programmes y mettra t- on dans ce joujou technologique ? On raconte qu'Aladin, ne pouvant plus voler, a vu que sa lampe était toujours intact joujou et son tapis beau ; lui manquait le souffle.