Les Libanais savent faire preuve de perspicacité et de discipline. Il ne sert à rien de brusquer les choses semblent-ils se dire, eux qui ont connu le pire, c'est-à-dire la guerre civile. Ils ont donc commencé par l'élément le plus visible de la crise politique qui secoue leur pays depuis 2006, avec l'élection d'un président de la République. Aujourd'hui, le président Michel Sleimane, qui a pris en compte cet élément, paraît agir à la manière d'un militaire. Ce qu'il a toujours été en menant les batailles les unes après les autres et surtout enlevé tous les prétextes, ou plus spécialement les éléments susceptibles de servir de prétexte rien que pour faire prolonger la crise. Ce qui ne veut pas dire que la voie est totalement déblayée, mais ce qui subsiste encore devrait ou pourrait être levé par le dialogue. C'est le défi que s'est lancé le Liban qui s'apprête à une relance du dialogue national. Celui-ci réunit à partir d'aujourd'hui les principaux dirigeants politiques dans un climat de crainte de violences après un nouvel attentat qui a ciblé la semaine dernière une personnalité druze de l'opposition. Le président Michel Sleimane a invité les 14 signataires de l'accord conclu en mai à Doha et qui avait débloqué une grave crise politique opposant la majorité parlementaire au camp emmené par le Hezbollah. Le conflit avait dégénéré en mai en combats sanglants, les pires depuis la guerre civile de 1975-1990, avant que l'accord du 21 mai me permette l'élection d'un président et la formation d'un gouvernement d'union nationale où la minorité parlementaire bénéficie d'un pouvoir de blocage. L'accord signé dans la capitale du Qatar prévoit une reprise du dialogue national « pour étendre l'autorité de l'Etat sur toutes les régions du pays ». « La stratégie nationale de défense va être le sujet principal du dialogue », a déclaré le Premier ministre Fouad Siniora. Elle devrait définir la relation entre l'armée et le puissant mouvement chiite. Le Hezbollah est la seule formation libanaise à ne pas avoir été désarmée à la fin de la guerre civile et fut le fer de lance de la résistance contre Israël jusqu'à son retrait du Liban Sud en 2000. « Plusieurs acteurs locaux et étrangers souhaitent voir le Hezbollah désarmé, alors que le camp opposé, à l'intérieur comme à l'étranger, veut qu'il demeure armé », résumait dimanche le quotidien indépendant Al Anwar. La majorité, qui insiste pour que seul l'Etat puisse décider des questions de guerre et de paix, avait proposé de débattre de l'armement du Hezbollah dans le cadre d'un dialogue national. Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, a posé trois conditions au succès du dialogue, dans des déclarations publiées ce week-end : que « les participants conviennent que le Liban n'a qu'un ennemi, Israël », qu'il faut construire un « Etat fort, juste, équilibré et capable » et que l'objectif doit être « d'assurer les ressources nécessaires à la libération de la terre et à la défense du Liban par le biais de la stratégie nationale de défense ». La reprise du dialogue a lieu dans un climat de crainte de nouveaux attentats, à la suite de l'assassinat, mercredi, de Saleh Aridi, un responsable d'une formation que l'on dit proche de la Syrie. « La sécurité quotidienne devrait être le principal point des discussions », estime Oussama Safa, directeur du Centre libanais d'études politiques. « La stratégie nationale de défense est une question qui concerne le long terme. Ce serait une erreur de se concentrer exclusivement sur cela », a-t-il dit. « Nous avons besoin de parler du fait que les gens vivent dans la peur », a-t-il insisté. « La sécurité avant le dialogue », titrait samedi le quotidien libéral An Nahar. En 2006, un dialogue difficile avait réuni les principaux dirigeants politiques mais avait été interrompu après le conflit entre Israël et le Hezbollah l'été de la même année. Cette fois, l'enjeu est grand, et l'objet de ce dialogue tel que décliné officiellement, n'apparaît que comme une opération visant à désarmer le Hezbollah. Avant ce rendez-vous, le président Sleimane s'est franchement positionné par rapport à des questions importantes comme l'occupation israélienne de la zone des « Fermes de Chabaâ ». Il avait, quelques jours auparavant, participé à un sommet historique avec son homologue syrien, marquant le changement de rapports entre les deux pays, Damas ayant établi des relations diplomatiques avec son voisin. Ce qui devrait avoir un impact considérable au plan des rapports entre Libanais. Normalement.