Les leaders libanais viennent de conclure la fin d'un bras de fer, dont l'élément le plus visible, mais aussi le plus dramatique, puisqu'il y a eu des victimes, sont les affrontements brefs mais violents qui se sont déroulés dans le secteur ouest de la capitale libanaise. Et visiblement, tous les dirigeants cherchaient une porte de sortie à cette nouvelle crise qui dure en vérité depuis 2005, quand majorité et opposition se livraient à des démonstrations de force, chaque camp battant le rappel de ses troupes, ou plus exactement de ses partisans. Tous aussi attendaient cette perche tendue par la Ligue arabe avec son plan de sortie de crise en six points, et qu'aucune partie n'avait contesté. Tout donc s'enchaîne, et les premiers résultats concrets devraient apparaître pour les Libanais, dimanche probablement, avec l'élection le même jour d'un président de la République. En attendant la suite, bien entendu, c'est-à-dire mieux. Ainsi donc, la majorité libanaise et l'opposition sont parvenues, hier, à un accord de sortie de crise, repoussant ainsi le spectre d'une guerre civile dans ce pays. En vertu de cet accord, un nouveau président libanais sera élu « dans les 24 heures », a annoncé à Doha le Premier ministre qatari, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, dont le pays a servi de médiateur lors des pourparlers. Il parlait lors d'une cérémonie officielle réunissant l'ensemble des dirigeants des deux camps qui participaient, depuis vendredi soir, à ces négociations. L'accord comprend aussi une clause interdisant à l'avenir tout recours aux armes à des fins politiques. Le texte « interdit le recours aux armes et à la violence dans tout conflit, quels que soient les conflits ou les circonstances », a déclaré le Premier ministre qatari. La crise politique libanaise avait dégénéré le 7 mai en affrontements sanglants entre factions rivales qui ont fait 65 morts en une semaine. Après le discours du Premier ministre qatari, le président du Parlement libanais, Nabih Berri, a annoncé que le sit-in observé depuis fin 2006 dans le centre-ville de Beyrouth par l'opposition, dont il est l'un des principaux leaders, serait levé le jour même. Le démantèlement du campement a effectivement commencé immédiatement. En signe de protestation contre le gouvernement, l'opposition avait dressé, fin 2006, des tentes tout au long des routes menant au bâtiment abritant le gouvernement, transformant le centre de Beyrouth en une ville fantôme et provoquant la fermeture de près de 200 commerces, ainsi que la suppression de milliers d'emplois. Quant à l'accord, il stipule que « les parties sont convenues que le président du Parlement convoquerait une session de la Chambre dans les 24 heures pour élire le candidat du consensus, (le général Michel Sleimane), à la présidence de la République », a déclaré le Premier ministre qatari. Le général Sleimane est le chef de l'armée libanaise. La présidence de la République est vacante depuis le départ, en novembre 2007, d'Emile Lahoud, à la fin de son mandat. La séance du Parlement, chargé d'élire son successeur, a été reportée à 19 reprises depuis septembre 2007, exacerbant davantage la crise, qui a éclaté fin 2006, avec la démission des six ministres du gouvernement de Fouad Siniora, représentant cette même opposition. Le Parlement avait été, en principe, convoqué une nouvelle fois pour le 10 juin. L'accord prévoit encore la mise sur pied d'un gouvernement d'union nationale de 30 membres, dont 16 représenteront la majorité et 11 l'opposition, qui obtient donc la minorité de blocage qu'elle réclamait. Les trois ministres restants seront nommés par le Président. Une autre clause de l'accord porte sur la question de la loi électorale, cruciale dans l'optique des élections législatives prévues pour 2009. L'accord prévoit à ce sujet un retour à la loi électorale de 1960, qui n'était plus en vigueur, avec un nouveau découpage des trois circonscriptions que compte Beyrouth. Majorité et opposition cherchent à s'assurer le plus grand nombre possible des 19 sièges de la capitale au Parlement, qui compte au total 128 députés. Pour sa part, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a affirmé qu'il n'y avait « ni vainqueurs ni vaincus » dans cet accord et a parlé de « journée historique » et « d'un document qui donnera un nouvel élan au Liban ». C'est sur cette même conviction qu'avait été conclue, en 1990, à Taef, la fin de la guerre civile libanaise. Est-ce à dire que l'accord de Doha, puisqu'il faut l'appeler ainsi, préservera le Liban de toute nouvelle crise ?