Le mois de Ramadhan est riche de par ses particularités, ses spécificités tant sociales que culturelles, qu'il confère à la nation de l'Islam. A Annaba, ce mois sacré est vécu dans le calme et la sérénité. Les journées s'égrènent dans la douceur et un climat loin de tout stress. Dès l'aube, la ville s'éveille aux alentours du souk d'El-Hattab où les aromes des herbes fines viennent chatouiller les narines. C'est le moment propice pour faire provision des plantes potagères venues directement des jardins de la région. Un peu plus loin, vers les stations de taxis interurbains, de la gare routière, du Champ de mars ou encore de Kaouki, où l'on peut voyager vers toutes les destinations, l'effervescence est à son comble. Une animation fébrile règne en ces lieux. Cet incessant afflux va en grossissant, voyageurs, travailleurs et écoliers pressent le pas pour rejoindre, les bureaux et les chantiers pour les uns, les écoles et les lycées pour les autres. Le centre-ville sort doucement de sa torpeur. La matinée est le privilège des grandes personnes, pour désigner les retraités, lesquels sortent de leurs foyers simultanément avec les écoliers. Ces personnes âgées vont trouver « refuge » dans les jardins publics ou sur l'esplanade du Cours de la Révolution, lieux où régnent le calme et la détente. Ces endroits deviennent leurs espaces exclusifs. Par groupes, ils se réunissent pour écouter un des leurs « narrer » le contenu du journal qui est passé au peigne fin, pas une ligne, pas une syllabe ne sont omises. Ainsi, les vieux sont très bien informés sur l'actualité tant nationale qu'internationale. Alors que les vieux dévissent calmement jouissant de la tranquillité des lieux, les grands-mères et les mères de famille butinent entre les étals des marchés et regagnent d'un pas pressé le domicile pour s'affairer à la préparation du f'tour. La rue est très animée, chacun vacant à ses occupations et les marchés sont bien achalandés. Les prix sont plus ou moins abordables, estime-t-on. Cependant, pour un grand nombre de citoyens, il s'avère impossible de remplir le couffin tant leur situation sociale est des plus précaires. Vers les coups de midi, l'effervescence de l'activité de la ville est à son zénith et le rythme s'accélère davantage, surtout le long des avenues adjacentes aux grands boulevards. Une procession de marchands de « quatre saisons » allèche les passants en étalant une variété de fruits. Les confiseries et les friandises, spécial-Ramadhan, viennent agrémenter cette atmosphère qui va en décroissant pour gagner les foyers ou règne une fébrilité et un « beau désordre (qui) n'est en fait qu'un effet de l'art », avant l'annonce de liftar. A Annaba, le Ramadhan a cette autre particularité de rassembler les membres de la famille, de permettre la communication entre eux, et de raffermir les liens. Les frères et sœurs qui, dès la fin du repas se rendent à la mosquée pour accomplir la prière d'El-icha et celle surérogatoire. Alors que pour beaucoup de jeunes, c'est le moment de l'évasion. Les filles se rendent à leur violon d'Ingres, à savoir les « cybers » pour naviguer jusqu'aux environs de 21h30, avant de céder la place aux garçons. Le Cours de la Révolution, la plus importante place de la Coquette, reprend une autre ambiance. Tout Annaba se rencontre en ce lieu mystique. Les vieux tels, les « lions » qui se cachent dans leur « tanière » ne daignent pas se mêler à leurs grands enfants qui animent la soirée par d'intarissables discussions. Du côté du théâtre Azzedine Medjoubi se dégagent les flots de musique andalouse. Les modes maya , djerka , h'sine , sika , dil s'égrènent avec allégresse et captivent le public annabi. Les jeunes, quant à eux, préfèrent écouter la musique moderne les pieds dans l'eau de la Grande bleue. Dans les quartiers, les veillées se poursuivent dans le calme, seul le bruit des voitures traversant en trombe les rues, vient briser le calme régnant sur la ville qui s'assouplit pour reprendre son mouvement machinal avec la levée du jour.