La passion d'El Madar pour le jazz dépasse toutes les limites qu'on peut imaginer et suffit à elle-même pour transformer ces éléments et expliquer le niveau agréablement surprenant d'El Madar. Au milieu de la mode gnawi qui colle à Alger, l'ambition d'El Madar dépasse le pentatonisme pour s'immerger dans un océan de genres et de structures à la recherche d'une identité propre. La musique déclinée par El Madar sort, en effet, des sentiers battus et ose défier les standards musicaux d'ici et d'ailleurs. En même temps, on la trouve complexe et sobre, avant-gardiste et mélodique, étudiée et spirituelle. Elle s'assume en tant que telle et s'inscrit sous l'étendard d'une scène jazz algérienne ambitieuse et créative. La pierre angulaire de ce nouveau venu s'appelle Nadjib Gamoura, le bassiste électrochoc, qui assure également dans la section rythmique de Sinouj, l'autre formation de jazz constantinoise. Kheireddine M'kachiche, violoniste archi-connu en Algérie et même outre-mer grâce à son talent et sa maîtrise de l'archet, apporte de son côté un cachet particulier à la musique d'El Madar. Le projet est d'ailleurs né suite à la rencontre de ces deux musiciens à la résidence de formation organisée par l'association Limma à Constantine avec le groupe Thot (octobre 2007). L'un des clous de cette formation est la présence de deux batteurs dans le groupe, les tonitruants Hafid Abdelaziz et Nazim Benkaci. Une curieuse innovation justifiée par le concept élaboré dès le départ. « On s'était dit qu'est-ce qu'on pourrait proposer pour le festival Dimajazz et vite on a conclu qu'on ne pouvait pas offrir mieux qu'un concept avec deux batteurs algériens qui jouent en même temps dans le même concert et qui sont tous les deux élèves de Aziz (feu Aziz Djemmame, ndlr) », explique Nadjib. Le guitariste Aminoss boucle la boucle en apportant son feeling et son approche tout aussi innovante. Le style d'El Madar allie fusion des genres algériens avec le jazz mais pas n'importe lequel puisque El Madar a choisi un style complexe fait de polyrythmie. Les compositions de Nadjib sont influencées par ses maîtres (Aka Moon, Thot, fer de lance de la tendance underground des scènes bruxelloise et parisienne). D'ailleurs, la plupart des membres ont suivi des stages à Bruxelles dans le cadre de la bourse Aziz Djemmame, créée par la délégation culturelle Wallonie Bruxelles en partenariat avec le ministère de la Culture et l'association Limma. Le répertoire déployé durant le concert de Dimajazz et présenté au public algérois lors d'un concert tenu jeudi dernier devra être inclus dans un album qui sortira bientôt, selon les promesses de Nadjib Gamoura.