Sous une pluie battante et un froid glacial, une foule nombreuse a accompagné, hier, la dépouille mortelle de Mohamed Tahar Lamara, procureur général près la cour de Blida, à sa dernière demeure au cimetière d'El Alia à Alger. La disparition subite de ce magistrat émérite, à la suite d'un arrêt cardiaque, a été « un choc » pour bon nombre de ses collègues et amis, notamment ses camarades de promotion, qui n'ont cessé de vanter ses mérites professionnels et surtout sa probité. Des qualités qui ont fait de lui un des plus proches collaborateurs du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz. Elles lui ont permis également d'être chargé de lourdes missions, dont l'élaboration de textes de loi dans le cadre de la réforme judiciaire, notamment celui consacré à la prévention et à la lutte contre la corruption. Un travail qu'il prenait à cœur et avec beaucoup d'engagement personnel jusqu'à la dernière minute de sa vie. En effet, lorsque l'attaque cardiaque l'a terrassé en cette nuit du vendredi (23 h), le défunt était penché sur un de ses dossiers. Même chez lui, il se consacrait au volume de travail dont il a la charge, surtout depuis qu'il a pris en main l'affaire Khalifa, dès son installation à la tête de la cour de Blida, début novembre 2003. Au cimetière d'El Alia, en plus des ministres de la Justice, Tayeb Belaïz, et du Travail, Tayeb Louh, de nombreux hauts cadres de l'Etat ont tenu à lui rendre un dernier hommage. Parmi ces derniers, Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative nationale des droits de l'homme, le procureur général près la cour d'Alger, le chef de sûreté de la wilaya d'Alger, le commandant du groupement de la gendarmerie d'Alger, le wali de Blida, le directeur de l'hôpital de Aïn Naâdja, le général-major Fodil Cherif, ex-chef de la Première Région militaire, M. Kharroubi, ancien ministre de la Justice, et de nombreux magistrats et avocats en fonction et à la retraite ainsi que des cadres de l'administration dont des chefs de daïra et des walis délégués. Drapée de l'emblème national, la dépouille mortelle, portée par six policiers en tenue officielle, a été accueillie avec les honneurs par un cordon de gendarmes. Après avoir été exposée au milieu de l'esplanade, une oraison funèbre a été prononcée par un de ses proches collègues. Celui-ci a rappelé le parcours professionnel « exceptionnel » du défunt, en précisant que sa mort « est une lourde perte pour cette justice que Lamara a servie tout au long de ses trente années de carrière ». Le magistrat a été enterré sous une forte pluie, dans le premier carré qui fait face aux tombes des grands hommes que le pays a connus, à l'image de Boudiaf ou de Ben M'hidi. Sur beaucoup de visages, la tristesse et surtout la compassion se lisaient. Mine abattue, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, n'a pu s'empêcher de lancer à l'adresse de Tayeb Louh, cet ancien magistrat, cette phrase : « C'est une lourde perte pour la justice. » Venue de Kabylie, de Méchria et d'El Bayadh, la famille a attendu que la foule s'éloigne de quelques mètres pour s'approcher de la tombe fraîchement fermée afin de se recueillir à la mémoire de celui qui a consacré toute sa vie à la justice. Lamara avait, faut-il le rappeler, un seul idéal : « Une justice juste et impartiale pour tous. » Il ne cessait de le répéter, parce qu'il y croyait dur comme fer. « Si chacun d'entre nous faisait uniquement son travail, le plus gros de nos problèmes serait résolu », nous disait-il à chaque fois que nous l'interpellions sur l'état de la justice. Il est parti avant de voir les premiers fruits des nombreux chantiers sur lesquels il travaillait liés à la réforme de la justice.