C'est récemment à Tlemcen, lors de la visite de Bouteflika, que le slogan portant sur le « troisième mandat » a ressurgi de la bouche de quelques étudiants, amplifié comme d'habitude par les micros de l'Unique. Curieusement, ce slogan s'est raréfié ces derniers mois alors que le scrutin présidentiel se rapproche à grands pas — début avril 2009 —, comme si les initiateurs du projet eux-mêmes avaient fini par ne plus y croire tellement a duré le silence du chef de l'Etat. Un silence qui a fini par décrédibiliser les plus zélés tant ils s'étaient engagés depuis deux ans auprès d'une population devenue au fil du temps interrogative, voire sceptique. En réalité, derrière ce qui s'apparente à des tergiversations, il y a une stratégie bien pensée, propre à Bouteflika, à laquelle ne semble être associé qu'un nombre restreint de personnes de son entourage. L'option du troisième mandat a été retenue depuis longtemps, l'amendement constitutionnel ne devant être qu'une formalité à expédier en vingt-quatre heures par un Parlement majoritairement acquis, voire enthousiaste. Le dernier coup de pouce à ce Parlement docile est le versement d'un salaire mensuel mirobolant comparativement aux revenus dérisoires des autres fonctionnaires de l'Etat. L'élément clef de cette stratégie présidentielle est sans conteste l'affaiblissement de l'opposition, notamment dans sa capacité à produire une pléiade de leaders politiques en mesure de se présenter en avril prochain contre Bouteflika et lui tenir la dragée haute. Pour le pouvoir, la hantise de l'élection de 1999 est là : elle s'est achevée par le retrait de l'ensemble des candidats à la veille du scrutin pour protester contre « le jeu fait », c'est-à-dire l'implication des institutions de l'Etat auprès de Bouteflika mais qui l'a rendu « mal élu ». Celui-ci redoute de surcroît l'exploitation durant la campagne électorale des failles de son bilan décennal, du lourd malaise de la population et de l'avenir sombre du pays. Aussi verrait-il d'un bon œil — et il œuvre pour cela — l'apparition de candidats sans grande consistance, voire de lièvres, juste pour accréditer l'idée que l'élection a un contenu démocratique. L'offensive menée ces derniers jours par « la famille révolutionnaire » et l'Alliance présidentielle contre le RCD n'est pas fortuite ; elle tend à fragiliser l'un des rares partis encore combatifs sur le champ politique et elle participe de cette offensive générale contre tout ce qui tient lieu de vraie opposition politique, voire même de contestation sociale (syndicats libres, enseignants, journalistes…). En entretenant un silence calculé, cynique et froid, sur ses intentions en matière de révision constitutionnelle et de troisième mandat, le président de la République bloque les candidats sérieux et crédibles ; il les prive d'une lecture du futur champ politique induite par la révision constitutionnelle et par sa participation ou pas au scrutin présidentiel. A cinq mois de l'élection, les candidats potentiels ne disposent plus du temps nécessaire pour s'engager dans une course décisive exigeant d'eux, au préalable, une large mobilisation de militants et la préparation d'un vaste programme de redressement du pays. Il y a risque d'assister en avril 2009 à un plébiscite du Président-candidat arraché par tous les moyens à une population désabusée et démissionnaire, en l'absence d'enjeux, par la machine électorale à deux moteurs, l'Etat et l'Alliance présidentielle.