L e tribunal de Sidi M'hamed près la cour d'Alger a connu hier une effervescence particulière. Douze policiers, dont l'ex-directeur de l'école supérieure de police de Chateauneuf et ses collaborateurs, ont été présentés par leurs collègues au procureur de la République, qui les a déférés devant le juge pour « faux, usage de faux et abus d'autorité ». Ainsi, huit d'entre eux dont le premier responsable de l'école et ex-directeur des études ainsi que le chargé du champ de tir, des divisionnaires et des commissaires principaux ont été placés sous mandat de dépôt et quatre autres remis en liberté provisoire. L'affaire est unique et restera gravée dans les annales de la sûreté nationale. C'est au mois de mai dernier qu'elle a éclaté suite à une lettre adressée au directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) faisant état de « magouilles et de complaisance » dans les épreuves d'accès au grade de commissaire principal à l'Ecole supérieure de Chateauneuf, et où des noms d'officiers « n'ayant pas le niveau requis » auraient été cités et dont l'un serait, selon les auteurs de la lettre en question, connu pour son niveau très « médiocre ». Une dénonciation qui a poussé le DGSN, Ali Tounsi, à se déplacer personnellement à cette école le jour même de l'examen. Sur les quarante commissaires devant passer les épreuves, le DGSN a appelé les dix premiers inscrits sur la liste et les dix derniers pour leur faire passer l'examen. Il a lui-même improvisé les questions, sachant que le commissaire, objet de la contestation, était en troisième position sur la liste. Même les surveillants ont été choisis par le DGSN qui voulait à tout prix vérifier les informations contenues dans la lettre qu'il a reçue et dont une copie a été adressée à la présidence de la République. Les résultats de l'examen ont été catastrophiques. Il s'est avéré que de nombreux candidats, des commissaires, étaient très loin du niveau requis pour le grade. Le DGSN a alors annulé les épreuves et demandé aux 40 candidats, y compris ceux qui étaient proposés par leurs chefs hiérarchiques, de rejoindre leurs postes respectifs jusqu'à nouvel ordre. Selon nos sources, ce constat a mis en colère le DGSN qui a « savonné » non seulement le directeur de l'école, mais aussi le responsable de la formation. Cette réaction a été saluée par de nombreux cadres de l'institution, du fait que c'est, selon eux, la réputation de l'une des plus prestigieuses écoles de la sûreté nationale qui est en jeu. Ceux-ci ont également souligné la nécessité de s'assurer de la compétence des cadres supérieurs de l'institution appelés à diriger et à gérer les commissariats et les sûretés de wilaya. Les officiers qui se sont plaints au DGSN auraient, selon nos sources, affirmé que les examens, que ce soit ceux concernant l'accès au grade de divisionnaire, de commissaire principal ou tout simplement de commissaire, seraient « pour la plupart entachés de complaisance ». De ce fait, ils ont demandé une enquête approfondie pour situer les responsabilités dans ces « comportements » et redonner aux épreuves « leur vrai sens ». Face à ce constat, le patron de la sûreté nationale a décidé de déclencher une enquête au niveau de toutes les écoles et notamment celle de Chateauneuf, à Alger, où désormais tous les examens sont « frappés de suspicion ». Parallèlement, le service de la police judiciaire d'Alger a été saisi pour faire la lumière sur l'affaire, situer les responsabilités des uns et des autres, et surtout savoir si « cette complaisance » ne cache pas une affaire de corruption. Ainsi, après des mois d'investigation, 12 cadres de l'établissement, parmi lesquels le directeur de l'école, son directeur d'étude, le directeur de la sécurité, un chargé de l'informatique, trois chargés de la sécurité ainsi que le responsable du champ de tir, ont été présentés hier à la justice puis inculpés pour « faux, usage de faux et abus d'autorité ». Huit d'entre eux, dont le directeur, le directeur d'étude, le chargé de l'informatique et le responsable du champ de tir, ont été placés sous mandat de dépôt, alors que les quatre autres personnes citées dans l'affaire sont maintenues en liberté provisoire. Selon nos sources, « aucune » preuve de corruption n'a été trouvée par les enquêteurs, pour lesquels « les auteurs ont aidé leurs proches et amis, sans contrepartie ».