- 4 journalistes sont déférés aujourd'hui devant le procureur de la République - Audition hier du directeur de la publication pendant 7 heures au commissariat central - 6 journalistes convoqués par la police judiciaire - 13 caricatures de Dilem objets de poursuites judiciaires Il a été interrogé sur le contenu de pas moins de 12 caricatures de Dilem et de 6 articles publiés ces dernières semaines. Après plus de sept heures d'audition, hier, au commissariat central, le directeur de publication, Farid Alilat, a été relâché aux environs de 18h30. Il a été convoqué par la police judiciaire de la sûreté d'Alger sur autosaisine du parquet. Convoqué pour la deuxième fois en moins d'une semaine, Farid Alilat s'est rendu au commissariat du boulevard Amirouche à 10h45. Cette fois-ci, l'attente dans les locaux des services “Atteintes aux personnes” n'a pas été harassante, puisque l'interrogatoire a commencé à 11 heures exactement. Interrogé sur le contenu de pas moins de 12 caricatures de Dilem et 6 articles, le directeur de publication de Liberté a été, cette fois-ci, contraint de répondre devant la police judiciaire. “J'ai répondu aux questions qui m'ont été posées, parce que le commissaire m'a signifié que si je refusais de m'exprimer sur les contenus des articles incriminés, il me déférerait devant le parquet”, a-t-il affirmé à sa sortie des locaux du commissariat central. Alors que M. Alilat a été soumis à un interrogatoire long et pénible, des membres de la corporation, des personnalités de la classe politique et des délégués du mouvement citoyen, venus exprimer leur solidarité aux journalistes de Liberté, faisaient le pied de grue sous les arcades dudit boulevard. Le regroupement des Belaïd Abrika, Hamid Lounaouci, Abdelhak Bererhi, des directeurs de journaux, Benchicou, Ali Djerri, et des autres journalistes a pris forme devant la police, immédiatement après l'entrée de Farid Alilat dans le commissariat central. Les heures s'égrènent et Farid Alilat est toujours à l'intérieur des locaux de la police judiciaire. Aux alentours de 15 heures, les avocats Bourayou et Meziane ainsi que Mohamed Benchicou, Ali Djerri, Belaïd Abrika et Da El-Hadj, délégué du mouvement citoyen, ont décidé d'entrer dans le commissariat pour s'enquérir du sort réservé à Farid Alilat. Mais rien à faire, les responsables concernés au niveau de le PJ ont refusé de les recevoir. À un moment donné, Abrika a carrément refusé de quitter la salle d'attente et de déclarer au policier : “Je ne partirai pas d'ici sans le directeur de Liberté, quitte à m'emprisonner avec Alilat.” Relayé par Me Bourayou qui déclare : “Les journalistes ne reviendront plus jamais au commissariat. Désormais, ils se présenteront devant la justice seulement.” Ce n'est que vers 18h30 que Farid Alilat ressort du commissariat. Il rejoint ses collègues, les avocats et les délégués du mouvement citoyen. R. H. 4 journalistes devant le procureur Le directeur de la publication, le rédacteur en chef ainsi que deux journalistes de Liberté seront déférés, ce matin, devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi-M'hamed. Cette présentation fait suite aux auditions des mercredi 26 et jeudi 27 août dernier de ces quatre journalistes par la police judiciaire. Ces auditions portaient sur un dossier publié en pages 2 et 3 de l'édition du 11 août 2003, annoncé à la Une sous le tire : “Tous des voleurs ?! Expliquez-vous”. En l'espace d'une semaine, Liberté a reçu douze convocations de la police Ce qu'en disent nos confrères Le harcèlement contre la presse et spécialement le quotidien Liberté est pratiqué sans scrupule aujourd'hui. Les directeur du Matin, d'El-Khabar et d'El-Youm sont unanimes à dénoncer “les manœuvres policières et judiciaires du gouvernement”. Qui a déposé plainte ? Sur les convocations, il est précisé que c'est le parquet qui s'est autosaisi. Le procureur juge qu'il y a diffamation. Une question se pose d'elle-même : pourquoi le procureur de la république ne s'autosaisit pas pour diligenter des enquêtes contre toutes ces personnes qui sont citées dans des affaires scabreuses ? La réponse relève en fait d'un secret de Polichinelle. “Dans notre cher pays, il y a des intouchables qui font la loi et qui actionnent la police judiciaire en bafouant les lois de la république”, estime M. Benchicou, directeur du Matin. Les avocats des titres harcelés précisent que le rôle de la police est d'enquêter. Dans ce cas-là, il n'y a pas lieu d'enquêter. L'auteur de l'article est connu tout comme l'organe. Convoquer et retenir un journaliste au commissariat pendant toute une journée, selon les robes noires, est “un abus de pouvoir et une atteinte à la personne”. Les lois de la république sont piétinées, déclarent-ils. Des spécialistes de la Sûreté nationale et des juristes se sont maintes fois exprimés dans nos colonnes (lire les interviews de Mes Ziari et Bourayou dans nos précédentes éditions) et ont dénoncé ces pratiques qualifiées d'abus de pouvoir caractérisé. Interrogé par rapport à cet acharnement contre la presse, le directeur du Matin estime que “ce régime est décidé à faire taire définitivement la presse libre”. “Après avoir échoué à le faire en s'appuyant sur de fallacieux arguments commerciaux, il tente de le faire par des intimidations pour que la presse cesse de révéler les scandales politiques.” Benchicou est convaincu : “Ceux qui ont orchestré tout cela sont prêts à aller très loin. Ils ne reculeront devant rien. Ils iront jusqu'à mettre des journalistes en prison pour donner valeur d'exemple et contraindre les journaux à se taire.” Le directeur du Matin tire la sonnette d'alarme et appelle les partis politiques et les associations à se mobiliser pour protéger cet acquis démocratique. Sollicité pour donner son avis sur une organisation unitaire pour faire face, dans le futur, à ce genre d'attaque, Benchicou estime qu'il faut se déterminer et avoir une position : “Si on est plusieurs à se déterminer, alors on fera bloc.” Pour sa part, le directeur du quotidien El Khabar relève que “ces intimidations sont devenues légion” et rappelle que “ce n'est pas la première fois que la presse subit ce genre d'attaques”. Néanmoins, “on remarque, aujourd'hui, un acharnement et une détermination sans égale vis-à-vis des journaux qui ne sont pas aux ordres. Ce clan du pouvoir met tous les moyens en transgressant toutes les lois”, reprend le journaliste. Interrogé sur les mesures à prendre pour que la presse indépendante puisse, demain, se protéger contre ce genre de pratiques, M. Ali Djerri estime : “Le pouvoir s'appuie toujours légalement sur l'argument commercial, donc les journaux doivent parvenir à être financièrement indépendants pour pouvoir exercer librement et sans contrainte le métier de journaliste.” “Le pouvoir, souligne-t-il, a été acculé et surpris quand les journaux visés ont payé les montants des factures réclamées. Il panique et, dans sa détresse, utilise tous les moyens même s'ils ne sont pas conformes à la loi.” Un titre doit avoir une indépendance financière. “C'est le premier fondement pour acquérir sa totale liberté d'expression”, martèle Ali Djerri. Pour sa part, le directeur d'El Youm “condamne et dénonce ces pratiques”. Il demeure solidaire avec la liberté de la presse, toutes tendances confondues. “Cela n'aide pas la démocratie et le pluralisme politique”, selon H'mida Layachi. Cependant, il relève le fait que la corporation est “divisée et non solidaire”. “Tout le monde peut être touché par un clan donné quand tu ne partages pas ses idées et ses pratiques”, affirme le directeur d'El Youm. Il recommande de donner sa vraie place à la profession comme telle et “dépasser les divergences politiques”. Mourad Belaïdi