Aussi bien les Américains que les Irakiens ont tenu à marquer, jeudi, le transfert de l'autorité et, partant, le contrôle de la sécurité dans la province de Babylone que l'on se plaît à situer dans le « triangle de la mort », autrement dit, ce fameux périmètre d'où est partie la résistance irakienne à l'occupation américaine. Est-ce à dire que tout va pour le mieux et que les Irakiens peuvent enfin exercer leur autorité ? Rien n'est moins sûr et les Américains eux-mêmes mettent en garde contre tout excès d'optimisme, à l'inverse bien entendu des Irakiens. Et dans ce chapitre, on ne sait qui dit vrai, car chaque partie a ses raisons. Et c'est tout l'enjeu des négociations actuelles entre les deux parties en vue du retrait (vers des bases en Irak ?) du contingent américain et dans son sillage de l'ensemble de la force internationale. Et sur cette question, il n'y pas consensus y compris au sein de la majorité irakienne. C'est aussi l'occasion d'échanges et même d'attaques entre Irakiens, mais aussi entre ces derniers et les chefs américains. Sur ce chapitre, le gouvernement irakien a très vertement critiqué le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Michael Mullen, estimant qu'il avait eu des propos « inappropriés » et qu'il ne pouvait pas « forcer » l'Irak à signer l'accord de sécurité négocié depuis des mois. « Le gouvernement irakien est profondément inquiet par les déclarations de l'amiral Michael Mullen où il met en garde les Irakiens contre les conséquences d'un refus de signer l'accord de sécurité avec Washington », a déclaré le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al Dabbagh. « Il n'est pas correct (de la part de l'amiral Mullen, ndlr) de forcer la main aux Irakiens et il est inapproprié de parler aux Irakiens de la sorte », a ajouté le porte-parole. Le chef d'état-major interarmées américain avait averti Baghdad, mardi, qu'il s'exposait à des pertes « significatives », s'il ne signait pas avec Washington l'accord sur la présence des forces américaines dans le pays. « Nous manquons cruellement de temps », avait estimé l'amiral en évoquant l'accord bilatéral, baptisé Sofa (Status of forces agreement), qui vise à donner un cadre légal à la présence militaire américaine en Irak après le 31 décembre 2008, quand le mandat de l'ONU aura expiré. A l'issue de ce mandat, les forces de sécurité irakiennes « ne seront pas prêtes à assurer la sécurité », selon M. Mullen. « Et à cet égard, le risque est important de pertes significatives », avait-il estimé. Le général irakien, Qassim Atta, porte-parole du commandement pour les opérations de sécurité à Baghdad, a assuré pour sa part que les forces irakiennes étaient « capables de prendre la responsabilité de la sécurité dans tout le pays. Les forces de sécurité sont déjà prêtes, notamment après avoir augmenté en nombre et en qualité. Nous contrôlons déjà 11 des 18 provinces irakiennes et bientôt nous contrôlerons le reste des provinces », a estimé le général Atta. Le gouvernement du Premier ministre, Nouri Al Maliki, a décidé, mardi, à l'unanimité d'apporter des changements au projet d'accord qui prévoit la fin de la présence américaine en Irak d'ici fin 2011. En réaction, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a averti que l'absence d'un accord rapide avec Baghdad sur la présence militaire américaine aurait des « conséquences dramatiques ». Le projet d'accord prévoit la fin de la présence militaire américaine avec le retrait total des troupes d'ici fin 2011 et permet à la justice irakienne de juger des soldats américains accusés de crimes graves commis hors de leurs bases et hors mission. Il prévoit aussi que les Irakiens peuvent demander le maintien de troupes américaines pour l'entraînement de l'armée irakienne au-delà de cette date. « L'absence d'un Sofa ou encore d'un renouvellement du mandat de l'ONU aurait des conséquences dramatiques », a-t-il dit, en affirmant que les troupes américaines seraient contraintes d' « arrêter de faire quoi que ce soit. Il y a seulement deux options : le Sofa ou un nouveau mandat de l'ONU, mais aujourd'hui nous n'avons pas l'assurance d'obtenir ce que nous voulons en retournant à l'ONU », a-t-il ajouté. « Il faut vraiment que nous obtenions cet accord » visant à donner un cadre légal à la présence militaire américaine en Irak, à l'expiration le 31 décembre 2008 du mandat de l'ONU, a-t-il conclu. « C'est un bon accord pour nous et pour eux », a-t-il insisté, en jugeant qu' « il protège la souveraineté de l'Irak ». « Il existe une grande réticence à travailler davantage sur le projet d'accord » côté américain, a-t-il prévenu. « S'ils venaient à souligner quelque chose à laquelle nous n'avions pas pensé ou s'ils identifiaient des problèmes que nous n'aurions pas vu, nous devrions les prendre au sérieux », a-t-il nuancé. Toutefois, « nous n'avons pas claqué la porte, mais je dirais qu'elle est près d'être fermée », a-t-il estimé. « L'heure tourne » et « il faut continuer à avancer pour ne pas être pris de court », a conclu M. Gates. Le projet d'accord prévoit la fin de la présence militaire américaine avec le retrait total des troupes d'ici fin 2011. Les Kurdes, qui disposent de 53 voix, ont déjà fait savoir qu'ils soutiendraient le projet. Les groupes parlementaires sunnites ont émis des réserves. Les partis chiites ont fait état de leurs divergences, les partisans du leader radical Moqtada Sadr étant opposés à l'accord, alors que les groupes plus proches du pouvoir le soutiennent, parfois timidement. C'est tout l'embarras du gouvernement de M. Nouri Al Maliki, qui fait aussi face à une insurrection qui continue à prendre pour cible les symboles de son pouvoir.