Le pays sunnite s'est embrasé jeudi. Quoique le bilan n'a pas été encore arrêté, hier en début d'après-midi, on parle d'ores et déjà d'au moins 100 morts et de quelques 350 à 500 blessés dans les attaques qui ont ciblé, jeudi, plusieurs villes du nord de l'Irak, singulièrement celles du «triangle sunnite». Ainsi, ce fameux triangle a vécu l'enfer ce jeudi avec des attaques simultanées et combinées de la guérilla irakienne contre les forces américaines et les policiers irakiens. Ces derniers auront payé le prix lourd, notamment à Mossoul où cinq commissariats ont été l'objet d'attentats à la voiture piégée faisant plus de quarante morts. A Mossoul, à Falloujah, à Ramadi, à Baaqouba, à Kirkouk et à Bagdad, la journée du jeudi 24 avril a donné lieu à une véritable explosion de violence assimilée par d'aucuns à une insurrection armée qui ne laissa d'étonner observateurs et analystes, quant à l'apparente coordination entre les différentes attaques qui ont eu lieu presque tous au même moment, vers 5h30 locales (1h30 GMT) et ont duré jusqu'à 7h30. S'exprimant sous le couvert de l'anonymat, un responsable militaire américain a estimé que ces attaques, qui ont eu lieu dans différentes villes du pays, ont été coordonnées, indiquant : «En se référant à ces horaires, nous soupçonnons qu'il s'est agi d'attaques coordonnées, d'attaques simultanées.» Pour sa part, le sénateur républicain, John McCain, relève la «sophistication», selon lui, des attaques de jeudi, indiquant «je suis très inquiet de la sophistication de l'insurrection», lors d'une audience au cours de laquelle le sénat devait confirmer la nomination du général George Cassey, à la tête de la force multinationale en Irak, en remplacement du général Ricardo Sanchez, impliqué, semble-t-il, dans l'affaire des prisonniers d'Abou Ghraib. La conseillère présidentielle de la sécurité nationale, Condoleezza Rice, estime, quant à elle, que les derniers évènements participent à déstabiliser le pays affirmant : «Il est très clair que le but des terroristes et des rebelles, est de faire dérailler le processus de construction d'un Irak stable.» Quels que soient les motifs attribués à cette «insurrection», il est patent que la situation sécuritaire en Irak échappe clairement aux forces de la coalition, incapables, sinon impuissantes, à rétablir un semblant d'ordre et de sécurité dans un pays que l'Autorité provisoire de la coalition (CPA) gère depuis plus d'un an. En fait, plus la date du transfert de souveraineté au gouvernement intérimaire irakien se rapproche, plus la situation cesse de se dégrader avec l'entrée en première ligne du groupe d'Abou Moussab Al Zarqaoui, lequel a revendiqué la paternité des opérations qui ont endeuillé l'Irak ce jeudi. Dans un communiqué qui lui est attribué, diffusé sur un site Internet islamiste, la «branche militaire du Tawhid wal Jihad en Irak» (groupe que dirige Al Zarqaoui), il est indiqué qu'«avec l'aide de Dieu, vos frères du Tawhid wal Jihad ont mené une offensive d'envergure dans plusieurs provinces du pays», précisant que ces attaques ont «visé les forces de police mécréantes à la solde de l'occupation, les espions, l'armée irakienne et les Américains». Ce même communiqué avertit la population en lui demandant de suivre les ordres de la résistance, indiquant : «Nous demandons aux habitants de se conformer aux ordres de la résistance et de ne pas quitter leurs maisons quand on le leur demande. Les jours qui viennent connaîtront des attaques contre l'occupant et ceux qui collaborent avec eux.» En fait, ce communiqué, attribué au groupe Al Zarqaoui, lié au réseau terroriste de la nébuleuse islamiste d'Al Qaîda, prend les allures d'une véritable déclaration de guerre en direction du pouvoir provisoire irakien et des forces d'occupation de la coalition américano-britannique. De fait, les forces américaines ont mis à contribution des avions et des hélicoptères de combat, notamment en larguant des bombes de 250 kg sur Baaqouba et Falloujah. Les combats se poursuivaient hier, notamment à Ramadi, Baaqouba et Mossoul. Le Premier ministre irakien désigné, Iyad Allaoui, qui a été menacé de mort mercredi par le groupe Al Zarqaoui, promet «d'écraser» la rébellion, indiquant : «Nous allons les écraser. Nous pensons qu'il va y avoir une escalade dans les prochains jours. Le peuple irakien doit resserrer les rangs et fournir des informations sur ces criminels.» M.Allaoui qui vient de demander officiellement «l'aide technique» de l'Otan semble se leurrer sur les forces qui sont celles de l'Irak, quand les forces des puissances occupantes supérieurement organisées, n'ont réussi ni à pacifier ni à sécuriser le pays après plus d'une année de présence. En fait, les jours à venir seront difficiles autant pour l'Irak, le gouvernement intérimaire irakien que pour la coalition qui a échoué à assurer la sécurité au peuple irakien.