Encore des bavures ou tout simplement des cas isolés. L'armée américaine n'en rate pas une, et quand il y a excès, elle promet une enquête. Une manière bien commode de mettre fin, pour un temps, à toutes sortes d'accusations et de contestation. Il en est ainsi des bombardements aveugles qui font des victimes civiles, qui ont failli être accusées de se trouver au mauvais endroit quand il ne fallait pas à défaut d'être traitées de complices des combattants irakiens, sauf que très souvent, il y a ce grain de sable, comme les enfants en bas âge ou des impotents. Il l'est également des tortures dans les prisons américaines en Irak que l'on disait pendant longtemps, preuves à l'appui, ordonnées sinon encouragées par les plus hautes autorités afin d'obtenir des renseignements. Et voilà que l'on met tout sur le compte d'un soldat qui doit être bien sadique pour faire tout le mal dont il est traité. En effet, le soldat américain Charles Graner, présenté comme le principal responsable présumé des sévices dans la prison irakienne d'Abou Ghraib, a été condamné samedi à dix ans par une cour martiale. Les dix officiers composant le jury de la cour martiale, qui siégeait à Fort Hood (Texas), ont reconnu Graner, 36 ans, coupable de neuf des dix chefs d'accusation qui pesaient sur lui. Réfutant toutes ces accusations, Graner a affirmé qu'il n'avait fait que suivre les ordres de ses supérieurs. Visiblement, cette cour refuse de tenir compte des rapports d'enquête ou de témoignages réfutant la thèse de cas isolés. L'armée américaine est ainsi préservée. La justice sait aussi se montrer clémente puisqu'un autre soldat américain, reconnu coupable du meurtre d'un Irakien blessé lors de heurts entre GI's et résistants à Baghdad l'an dernier, a été condamné vendredi à un an de prison. Quant aux enquêtes, leurs conclusions se font attendre, à supposer qu'elles aient été enclenchées. Sur le terrain, la violence ne connaît aucun répit, une situation face à laquelle le gouvernement irakien a annoncé des mesures de sécurité exceptionnelles pour les élections générales prévues le 30 janvier. « Notre plan est de sécuriser tous les bureaux de vote et les électeurs. Il y aura un périmètre de sécurité et nous sommes en train d'étudier la distance entre les centres de vote et la circulation automobile », a déclaré le secrétaire d'Etat pour les gouvernorats Wakl Abdel Latif. « Le plan de sécurité concerne toutes les provinces, tous les quartiers (de la capitale) et tous les centres de vote (...). Les mouvements des véhicules seront limités entre et dans les provinces, et entre les différents quartiers de la capitale », a-t-il ajouté. M. Abdel Latif a annoncé que des jours fériés seraient décrétés dans tout l'Irak à l'occasion des élections, mais que leur date « sera annoncée plus tard par le Premier ministre Iyad Allaoui ». Un haut responsable de l'ambassade des Etats-Unis à Baghdad a estimé pour sa part que dans les quartiers de l'est et de l'ouest de la capitale, le taux de participation serait probablement faible en raison des menaces des résistants. Sur un tout autre chapitre, le ministre irakien de la Défense Hazem Chaâlane a affirmé que les élections seraient « incomplètes » en l'absence des sunnites, favorables au report du scrutin. « Si vous me demandez, en tant que citoyen ordinaire, si je suis convaincu de la tenue de ces élections alors qu'une large tranche, la communauté sunnite, n'y participera pas, je vous réponds : “Je ne suis pas totalement convaincu” de la légitimité du scrutin », a-t-il dit. L'un des principaux groupes armés irakiens, l'Armée islamique en Irak, a appelé les Irakiens à boycotter les élections. Bien entendu, l'on s'interroge sur la participation aussi bien ethnique qu'individuelle. Dans le premier cas, il s'agit des sunnites sûrs désormais de perdre le pouvoir au profit des chiites, forts quant à eux de leur supériorité numérique. Ce qui explique ces fameux appels au bon sens, sinon au compromis - du reste impossible-, ce qui rend encore plus pesante, la menace de partition de l'Irak. Dans l'autre cas, il s'agit tout simplement de sauver sa peau, ou de ne pas participer à une opération qui n'a pas révélé tous ses secrets.