Combien sont-elles nos sœurs et nos filles fonctionnaires, secrétaires ou simples agents d'administration, à subir quotidiennement les « avances », parfois les attouchements indignes d'un supérieur hiérarchique qui profite de sa position ? Combien sont-elles ces étudiantes qui subissent ironie du sort les contrecoups de leur beauté physique face à des enseignants qui leur imposent un scandaleux chantage aux notes ? Le phénomène du harcèlement sexuel est en effet à ce point préoccupant qu'il a réussi à fédérer contre lui des associations féminines aux horizons politiques très différents pour une stratégie de lutte. Elles sont des centaines, peut-être des milliers, à souffrir terriblement de cette douleur muette. Une douleur qui, pour des raisons sociales et sociologiques évidentes, a du mal à trouver un exutoire. Les victimes refoulent assez souvent leurs drames de peur de subir les conséquences professionnelles mais également l'œil inquisiteur d'une société où la femme la jeune fille surtout – est déclarée coupable jusqu'à preuve du contraire. Mais ce contraire est justement très difficile à prouver tant le code pénal exige des victimes de fournir une sorte de pièce à conviction contre leurs bourreaux. Ce qui, à l'évidence, les met dans de beaux draps en ce sens qu'elles ne peuvent mettre à la disposition de la justice des preuves matérielles des supplices physiques et/ou moraux auxquels les soumettent les harceleurs. A moins de recourir aux caméras de surveillance, on ne voit pas comment les femmes harcelées pourraient prendre en flagrant délit leurs supérieurs à la libido à fleur de peau. C'est une gageure d'autant plus qu'elles mesurent les dommages collatéraux d'une dénonciation qui, souvent, s'accompagne de licenciement et, plus grave encore, de lynchage public d'une société sans pitié. Il est juste, tout compte fait, de dire que la loi en la matière protège plus les agresseurs que les victimes. Imaginons le calvaire de cette femme honnête qui fait face à son monstre de responsable, rongée par le dilemme de le dénoncer au risque de se faire virer ou se taire et subir l'innommable ! C'est dire tout le drame d'un phénomène qui, pour avoir prospéré à l'ombre de la loi du silence, a fini par gangrener toutes les sphères professionnelles. Les victimes qui craignent de perdre leur boulot préfèrent accuser le coup et supporter l'insupportable. Mais jusqu' à quand ? Comment se taire face à ces comportements odieux qui vous empoisonnent la vie chaque jour que Dieu fait ? Les victimes devraient donc avoir le courage de dénoncer et leurs collègues le devoir de les soutenir. Et l'Etat se doit de réfléchir à une thérapie de choc pour dissuader ceux parmi les patrons et les chefs – à quelque niveau qu'ils soient – qui abusent de leur autorité et de leurs collaboratrices. C'est cela, le vrai tabou à casser.