Barack Obama sera-t-il le prochain président américain ? Les sondages, très favorables au candidat démocrate à la Maison-Blanche, semblent même anticiper une victoire écrasante sur le rival républicain John McCain. Barack Obama aurait entre dix à treize points d'avance dans les intentions de vote et c'est assez inédit aux Etats-Unis où le sort de l'élection présidentielle peut se jouer sur quelques milliers, voire centaines de voix. On en arriverait à croire que les jeux sont faits. D'autant que tout le monde semble voler au secours de la victoire annoncée, y compris des figures emblématiques du parti républicain, à l'image de Colin Powell rallié de la dernière minute à la cause du sénateur de l'Illinois. Mais on connaît la formule : la victoire a plusieurs pères et la défaite est orpheline. Face à la vague Obama, il est clair que John McCain n'a aucune chance et il est désormais confiné dans un rôle faire-valoir. Le sénateur de l'Arizona est présenté maintenant comme perdant à coup sûr, en préjugeant assez légèrement sur ce que feront les électeurs dans le secret de l'isoloir. Quelle est la garantie que les Américains offriront, le 4 novembre prochain, un plébiscite à Barack Obama pour en faire le premier président noir des Etats-Unis. Ce serait une évolution fulgurante des esprits dans un pays où s'est exercé le plus implacable ségrégationnisme à l'égard de la communauté afro-américaine. Un tel changement de posture, dans sa rapidité, relèverait du miracle au sens si religieux du mot que certains ne craignent pas d'entourer le sénateur de l'Illinois d'une aura messianique. Mais Barack Obama sera-t-il élu parce qu'il est Noir et plus jeune que son adversaire républicain ? Les Américains, mais aussi de larges courants d'opinion dans le monde, croient que le sénateur de l'Illinois est celui qui pourra faire la rupture avec les années Bush qui ont précipité les Etats-Unis dans les affres de guerres interminables et coûteuses qui amplifient les effets désastreux de la faillite du libéralisme américain. N'est-ce pas faire preuve d'angélisme que d'occulter l'emprise des lobbies qui donneraient à Barack Obama le fouet pour les battre. Barack Obama, s'il était élu, ne pourrait pas entrer en collision avec les puissants cartels de l'armement, du pétrole et de la finance qui infléchissent la politique étrangère des Etats-Unis. Pourra-t-il, s'il est élu, organiser le retrait des troupes américaines d'Irak et concentrer, comme il en a l'intention, l'effort de guerre des Etats-Unis sur l'Afghanistan ? Une chose est sûre : le candidat démocrate ne parle pas en homme de paix puisque comme George Bush il s'en remet à la puissance des armes. Son charisme, les vertus qui lui sont prêtées ne lui feront pas éviter de donner des gages à Israël et à maintenir Cuba sous un étouffant embargo de près d'un demi-siècle. Barack Obama n'incarnera le changement que s'il incarne une image plus apaisée, moins hégémonique, mais au contraire plus solidaire des Etats-Unis. S'il entre à la Maison-Blanche, aura-t-il le pouvoir et, davantage encore, la volonté d'accomplir ce changement de conduite sans lequel il ne serait qu'un président américain comme les autres ? Ce qui serait beaucoup et très peu à la fois.