Le chef de l'Etat a décidé d'annoncer, après moult ajournements, son projet de révision de la Loi fondamentale. Sans grande surprise, Abdelaziz Bouteflika met fin à un long faux suspense qui aura tenu en haleine deux années durant une classe politique réduite au régime minimum et des organisations de masse toujours serviles et prêtes à l'emploi. S'agit-il d'un scoop ? Que nenni, tout le monde, même les plus sceptiques parmi ceux qui comptaient sur un revirement de situation et un spectaculaire camouflet pour le projet de Bouteflika, s'attendait à une telle annonce. Refusant d'être « un trois quart de Président », le chef de l'Etat n'a jamais caché son intention de réviser la Constitution et il le rappelle d'ailleurs dans son discours d'hier en sous-entendant que ce n'est qu'aujourd'hui que les circonstances lui permettent de mener jusqu'au bout son projet. « En de multiples occasions, depuis 1999 et 2004, j'avais exprimé mon souhait de revoir la Constitution », dit-il comme pour se dédouaner de procéder à un amendement dans la précipitation. Candidat à la présidentielle de 1999, Abdelaziz Bouteflika avait mis en ligne de mire d'amender la Constitution de 1996 qu'il avait jugée « élaborée sous la pression de l'épreuve difficile que le pays avait traversée ». Il lance alors cette phrase qui fera le lit d'une succession de mandats à vie : « Aujourd'hui, alors que l'Algérie a dépassé la situation de crise et de déséquilibre et qu'elle traverse une phase déterminante dans le processus de développement et de renforcement des structures d'un Etat de droit, il est indispensable, à notre sens, de soulever la question de l'amendement de la Constitution », avait-il affirmé. C'est le 4 juillet 2006, à la veille de la célébration du 44e anniversaire de l'indépendance, face aux officiers du commandement de l'armée, que Bouteflika, au CV garni d'un deuxième mandat, annonce son souhait d'amender la loi fondamentale avant la fin de l'année 2006. Ce jour-là, Bouteflika avait mis en marche la machine de la révision constitutionnelle qui a dû s'arrêter à mi-chemin pour des raisons d'« ajustements » en haut lieu. Tambours et tintamarres ont été actionnés à la faveur d'une « ouhda thalitha », le FLN et ses auxiliaires des organisations de « la société civile » sont entrés en campagne pour clamer un troisième mandat pour le président. Les semaines se suivent et l'annonce attendue n'est pas à l'ordre du jour ; la sérénade prend fin et le suspense s'installe. Mais pas pour longtemps, puisque sporadiquement, Abdelaziz Belkhadem tentera de maintenir la campagne sous perfusion en clamant « l'incontournable projet de révision ». C'est le retour d'Ahmed Ouyahia aux affaires qui signe le quitus du sérail pour un troisième mandat à Bouteflika. « Certes, je ne revendique pas Abdelaziz Bouteflika comme propriété du RND, mais nous le soutenons car nous récoltons aujourd'hui le fruit d'une décennie » de travail, a affirmé le chef du RND en août dernier. La machine de la révision constitutionnelle aura en effet tenu dix ans pour être bien huilée et préparée, pour se mettre sur les rails de l'élection présidentielle de 2009. Bouteflika aura obtenu ce dont il rêvait en revenant à la vie politique, une certaine année 1999.