Soirées de récompenses à la télé ! En une semaine,l'Unique a mis sa belle parure pour célébrer dans un climat très convivial et curieusement en l'absence de madame la ministre de la Culture, deux cérémonies en hommage d'abord aux auteurs littéraires qui auront fait d'une certaine manière l'actualité lors de la dernière foire internationale du livre d'Alger, ensuite à tous les professionnels de la télévision —journalistes, animateurs,concepteurs d'émissions, etc.—qui se sont tout le long de cette année illustrés par la qualité de leur travail et auxquels on a donc tenu à témoigner publiquement une gratitude à la mesure de leur mérite. La télé de HHC sait reconnaitre les siens, ceux notamment qui la portent à bout de bras même s'ils n'adhèrent pas totalement au « moule » dans lequel on les a enfermés,... l'initiative de récompenser leurs efforts est incontestablement louable, il n'y a rien à dire là dessus, mais dans la morosité culturelle ambiante, on peut se demander vraiment s'il y a aujourd'hui une place de choix à l'exubérance quand le produit final qui est livré aux téléspectateurs est sujet à contestation. En plus terre-à-terre, peut-on, d'un point de vue éthique glorifier avec forte médiatisation une boîte qui est devenue, par la force des choses, le souffre-douleur des Algériens ? On appelle cela de la démesure, car à défaut de pouvoir briller par le talent de ses potentialités, qui est souvent étouffé pour des considérations politiques,l'Unique fait dans le semblant, voire dans le paraître pour survivre. Il faut ouvrir,içi,une petite patenthèse pour dire comment se sont arrangé les membres du jury pour primer par exemple tel présentateur du JT et pas un autre alors qu'ils font le même travail. Le mythe du présentateur-vedette du 20h n'existant pas encore chez nous, que restait-il aux arbitres pour faire la sélection, sinon verser dans un subjectivisme qui risque de créer plus de problèmes qu'il n'en résoud. Enfin...la soirée familiale de la télé n'a intéressé que celles et ceux qui font partie du sérail télévisuel et qui n'avaient aucune raison pour ne pas applaudir. Celle consacrée aux écrivains a été a peu près de la même veine, sauf que les auteurs qui ont reçu les prix littéraires Sila 2008 ne sont pas connus du grand public, et donc là également personne ne sait sur quels critères on s'est basé pour distribuer les distinctions. Bien sûr que reconnaître et primer le talent des nouveaux venus à la littérature est en soi une authentique action culturelle,mais dans la foulée on n'ose se poser la question de quel contenu littéraire il s'est agi lorsqu'on sait que beaucoup de nos écrivains sont toujours frappés de discrédit et par conséquent interdits d'antenne. Ce sont les éternels bannis de la télévision qui prétend pourtant diffuser la culture à grande échelle et sans tabous. Parmi ces exclus, il y celui qui a défrayé la chronique tout récemment, en l'occurence Mohamed Benchicou, dont le manuscrit de son dernier roman a été censuré. Voilà quelqu'un que les téléspectateurs ne sont pas près de voir sur leur petit écran. Un écrivain qui rejette l'unanimisme et la démagogie, qui se donne le droit de critiquer librement le système qui régit sa société, et qui par dessus tout doit se battre contre la bétise bureaucratique. Un sujet intéressant qui demeure pourtant comme une mauvaise conscience pour la télé nationale. Mais il n'est pas le seul, hélas...Durant cette semaine, ceux qui ont la chance de capter France O, la chaîne française d'outre-mer, ont dû se régaler du spectacle de Mohamed Fellag Le Dernier Chameau, mais en même temps râger de voir un si illustre humoriste qui tourne en dérision tous les travers de sa société, exclu de la télévision de son pays. Benchicou, Fellag, et bien d'autres talents artistiques encore, c'est le même destin...Que vaut donc la fête sans eux ?