La première édition du Festival international du film arabe a été ouverte officiellement à Oran par la ministre de la Culture lors d'une cérémonie organisée dans la soirée de samedi au Sheraton. Les organisateurs ont voulu donner une dimension particulière à cet événement important tant pour la ville d'Oran que pour le pays, mais les discours prononcés à l'occasion par la partie algérienne, laborieux et nostalgiques d'une époque qui n'existe plus que dans l'imaginaire de quelques-uns, n'ont pas su faire passer le message et donner une idée claire sur l'importance d'une telle initiative. Ni les rimes classiques de Hamraoui Habib Chawki, commissaire du festival et actuel responsable de l'ENTV, ni les vagues références à Schéhérazade et aux Mille et Une Nuits (un conte de l'apogée de la civilisation musulmane mais non arabe) de madame la ministre, malgré la bonne volonté, n'ont traduit le sens de ce que pourrait être un festival de ce genre. Les échanges de bonnes formules de politesse entre les deux personnalités n'intéressent personne. Invité à intervenir, le représentant de la Ligue arabe a mis en avant le nationalisme (el kaoumia) arabe prôné par les organisateurs de la manifestation qu'il a félicités. Plus à l'aise dans sa langue et sans doute plus clairvoyant était par contre Hocine Fehmi, grand acteur égyptien diplômé dans le domaine du cinéma, à qui on a confié la charge de présider un jury, mais cette tâche, malgré une contribution à ce que ce festival prenne forme, se limite à faire en sorte, selon des critères d'évaluation répondant aux standards internationaux, que le meilleur produit présenté en compétition soit récompensé. Pour lui, l'Algérie est un pays qui possède une industrie du cinéma et un tel festival ne peut que s'imposer. Même chose pour le Marocain Rachid El Ouali, issu de l'école d'art dramatique de Rabat mais qui a fait carrière dans le cinéma, président du jury du court métrage, qui ne s'est pas senti obligé de retourner sa langue pour mettre en avant la volonté de rapprocher, pas à pas, les populations concernées. Avant la présentation publique des membres du jury des deux catégories, l'animatrice de la soirée a prononcé les noms des personnalités qui devaient être honorées lors de ce festival. Mohamed Lakhdar Hamina présent dans la salle est, devait-elle préciser, le seul issus des pays concernés à avoir le privilège d'être récompensé par la Palme d'or à Cannes. Encore de la nostalgie. A titre posthume, l'acteur égyptien Ahmed Zaki est également cité. Curieusement, alors que pour des raisons qu'on ignore puisqu'il ne fait pas de films en arabe, son nom figurait dans le catalogue et que le commissaire du festival l'a évoqué publiquement vendredi 20 juillet, Sembène Ousmane a été ôté de la liste pour des raisons tout aussi obscures. Si on devait se référer au même catalogue, on se rend également compte qu'un membre du jury de la catégorie court métrage, l'ancien directeur du festival du court métrage d'Oran, diplômé d'une école belge de cinéma, a été remplacé par un collaborateur de l'ENTV. Le film égyptien L'Immeuble Yacoubian est également sorti de la compétition du fait que personne n'a accompagné le produit alors que le règlement du festival exige la présence d'un représentant. Avant de clore la cérémonie, un court métrage a été projeté. Il s'agit du film Les étrangers de Fateh Rabiaâ. Se retrouvant seul, un enfant de la campagne rejoint la capitale où il rencontre d'autres enfants abandonnés vivotant de mendicité et de vols. Un regard typiquement petit bourgeois sur une réalité dramatique des enfants SDF très visibles qui snifent de la colle dans les rues les plus huppées, comme l'avenue Loubet à Oran mais qui de toutes les façons ne sont pas cachés aux yeux de la bonne société pour prétendre déterrer cette réalité. Croyant sans doute trouver là un sujet inexploité, mais en cachant le contexte sociopolitique qui l'entoure, l'histoire n'étant, de surcroît, pas particulièrement intrigante, le risque de tomber dans un certain exotisme est criard. La scène de la porte qui se ferme de l'intérieur sur le personnage (elle fait partie des faits marquants de l'histoire du cinéma exploitée dès les années 1920 avec John Wayne) et celle des escaliers d'Alger qui évoquent le film, poétique Tahia Didou de Zinet sont cependant remarquables pour l'« intertextualité ». Quand le rideau est tombé sur cette première séance, les convives ont été dirigés vers l'espace plein air de la piscine de l'hôtel pour des moments de détente. Il ne manquait que le champagne dans le faste de cet univers nocturne où les femmes (celles qui ont l'habitude de le faire) peuvent se permettre de fumer librement, à l'abri de la société réelle justement. Mais ici, entre deux bouchées, on peut croiser un écrivain célèbre, Yasmina Khadra (son roman Morituri étant porté à l'écran par Okacha Touita et figure en compétition), une actrice tunisienne qui concède que les échanges filmiques entre les pays arabes sont au plus bas, une starlette égyptienne, un acteur algérien de la trempe de Sid Ahmed Agoumi mais beaucoup de gens qui ont fait et font encore leur carrière dans la fiction (à ne pas confondre avec cinéma) télévisuelle à commencer par l'un des doyens : Mohamed Hilmi. Il y avait même Khaled, éclipsé quelque peu, et celle qu'on présente à la télé comme Sayida Leila. En résumé, du beau monde qu'on espère qu'il va remplir les salles de projection et qu'il côtoie le petit peuple, le cinéma étant l'art le plus populaire.