Lancée début 2008, l'initiative civique pour le respect de la Constitution pourrait prendre un nouveau souffle. « Nous allons nous réunir car l'Initiative risque d'étouffer par manque d'encouragement », indique la journaliste Baya Gacemi, membre du collectif qui a lancé l'Initiative. L'appel « Non à la constitutionnalisation de l'autoritarisme » (disponible sur http://respecterlaconstitution.com) avait reçu l'adhésion de quelque 600 universitaires, syndicalistes, intellectuels et journalistes, des personnalités politiques, comme l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour, et l'opposant Abdessalam Ali Rachedi. Dans cet appel, le collectif de journalistes et de militants considérait que « la campagne qui fait croire que le troisième mandat pour le président Bouteflika est une revendication nationale et populaire est une flagrante violation de la Constitution. Pour les promoteurs de cette campagne, la Loi fondamentale du pays est un simple obstacle à contourner sur la voie d'une nouvelle présidence à vie ». Baya Gacemi déplore : « L'initiative a commencé par un petit groupe, puis elle a fait boule de neige. Nous pensions que d'autres allaient nous rejoindre, des intellectuels et des politiques. Mais l'initiative n'a pas eu l'encouragement qu'on attendait. Car la société a été déçue par ses élites et est fatiguée après tant de violences. » La journaliste précise également : « Il ne faut pas l'oublier : la société vit sous la pression d'un régime autoritaire qui n'hésite pas à sanctionner même ceux qui n'ont rien fait ». Abed Charef, un des initiateurs de l'appel, journaliste et auteur, constate : « Le pays a perdu son immunité, il ne peut plus résister. Le régime est à l'arrêt, il ne peut rien faire pour ce pays. Pourtant, il peut changer de Constitution en une semaine. Ce pouvoir a tué la vitalité des contre-pouvoirs. » El Kadi Ihssan, journaliste et membre du collectif de l'Initiative, a annoncé à El Watan : « Nous allons examiner ce manque de mobilisation et nous nous exprimerons prochainement. Il est indispensable pour nous d'interpeller l'opinion publique sur les risques des amendements de la Constitution et son résultat : le mandat à vie. » Or, le journaliste explique que si une mobilisation plus large n'a pas eu lieu, c'est parce que « l'on a sous-estimé la dévitalisation de la génération qui a subi la guerre civile ». A ses yeux, « cette génération veut rattraper le temps perdu, améliorer ses conditions de vie : ce qui est un cycle normal après de telles violences ». Cela, pour lui, ne veut pas dire absence de combativité de la société : « On voit les syndicats, les émeutes... mais il y a malheureusement une incapacité à faire jonction entre les revendications ». Est-ce une fatalité ? « Seules des personnalités historiques, qui ont un poids moral, peuvent encore faire des choses, parce que ceux qui font le pouvoir réel, eux, ne sont pas intéressés par une issue démocratique », ajoute Abed Charef. « Ce cycle de démobilisation n'est pas loin de s'infléchir, conclut El Kadi Ihssan. Et peut-être même que ces amendements et l'élection de Bouteflika, qui débouchera certainement sur une crise politique, vont accélérer cet infléchissement. »