Tartare d'ananas au basilic, velouté de marron aux champignons des bois ou médaillon de lotte avec sa pulpe de carotte-safran… Dans la cuisine de Laurent Chancel, le chef du Senso, le nouveau restaurant gastronomique du Hilton d'Alger, le doux et l'aigre, le croquant et le moelleux, le chaud et le froid s'entrechoquent, s'unissent et explosent pour retomber en saveurs insolites dans les assiettes. Sollicité la semaine dernière pour la venue de l'ancien président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, le jeune chef – il a 26 ans – est à nouveau demandé pour préparer le déjeuner à l'occasion de la visite aujourd'hui d'Abdallah II, roi de Jordanie. C'est à l'école hôtelière de Tain-l'Hermitage, dans la Drôme, en France, que Laurent a appris les rudiments de la cuisine avant de débuter sa carrière à Munich, chez Joël Noguier, puis chez le frère de ce dernier, Jean-Jacques, étoilé Michelin à Bossey. Recruté au Senso, où il se réjouit d'avoir « carte blanche pour laisser libre cours à sa créativité », Laurent a commencé à former ses dix cuisiniers aux nouvelles tendances de la cuisine classique revisitée. « Nous avons par exemple un siphon qui permet de préparer des espumas, du jus transformé en mousse sans ajout de matière grasse, explique-t-il. Nous allons aussi nous amuser avec les textures, travailler les gelées tièdes, mieux maîtriser les cuissons… Bref, nous amuser avec le client ! Lui expliquer aussi pourquoi les gambas se dégustent avec des amandes, que si l'assiette est décomposée, ce n'est pas fait au hasard. » En plus des six à huit variétés de pain, des beurres doux et salés, le client découvrira entre chaque plat les « gentillesses » du chef, des amuse-bouche surprenants, à l'image de cette petite crème brûlée à la cerise amarena. « Je ne veux pas non plus algérianiser la cuisine française ou franciser la cuisine algérienne, ajoute-t-il, mais simplement apporter une touche personnelle. Notre méchoui, par exemple, est servi avec du citron confit, du thym, de la coriandre, cuit dans un jus braisé et monté en parmentier. » A l'exception de quelques produits introuvables en Algérie – ravioles de Royan ou huile aromatique à la coriandre –, le chef s'approvisionnera exclusivement en Algérie. Séduit par le goût des tomates, il en a déjà inventé une spécialité qui résume toute sa philosophie culinaire. « On y mélange de la tomate en thé, en sorbet, en gelée et... croquante sous sa forme cerise ! »