Sous d'autres cieux, Ali Allalou, l'un des rares spécialistes de la gastronomie en Algérie, aurait figuré sur le guide étoilé de la critique gastronomique qui n'existe pas encore chez nous. D'où, pratiquement dans tous les restaurants classés, cette médiocrité ambiante et permanente tant dans l'élaboration de la carte, des menus que dans la prestation de service offerte. C'est cette situation qu'il affirme être généralisée aux quatre coins de l'Algérie qu'observe et condamne Allalou le maître à penser de la gastronomie algérienne. Ça mijote toujours Du haut de ses 46 ans dont 28 passés à domestiquer ustensiles, équipements et hommes de cuisine, Ali Allalou est le grand chef de l'Hôtel international Seybouse de Annaba, un cinq étoiles. Depuis sa création au début des années 1970, cet établissement hôtelier avec son immense restaurant du 14e étage était l'un des plus cotés dans notre pays. Il figurait même dans des prospectus des clubs et agents touristiques les plus réputés du monde. Il y a de quoi, quand on a dans ses rangs, au propre et au figuré, un Ali Allalou tout droit sorti en 1978 de l'Institut des techniques hôtelières de Bou Saâda, suivi d'une autre année dans un même type d'institut à Tizi Ouzou avant de décrocher un BTS en cuisine. Au Seybouse international de Annaba où il s'était installé, les plats au menu ou à la carte qu'il éprouve du plaisir à confectionner ou à créer, font fureur au point que ceux qui les consomment en redemandent. Avec son jovial épicurisme et la dignité flegmatique des enfants de Aïn Karma à Constantine sa région natale, ce spécialiste des sauces blanches, des tadjines sucrés et de la formation des cuisiniers assure également la restauration des hautes personnalités en visite à Annaba. « Dans l'élaboration des menus, de la carte, des plats et tout ce qui touche aux activités de cuisine, le chef cuisinier a une grande responsabilité. Il agit comme un médecin et ses ordonnances sont sans appel. La cuisine étant un art, un chef de cuisine éprouve toujours du plaisir à satisfaire les moindres goûts de sa clientèle et surtout à laisser la meilleure impression possible tant en matière de qualité des menus ou de la carte que de la prestation de service », précise Allalou. Plusieurs années après, alors que la rumeur portant cession du Seybouse International à l'un des deux groupes hôteliers Méridien et Acor se fait de plus en plus persistante, Allalou est toujours là. Il passe ses journées et jusque tard dans la nuit, dans cette grande cuisine du 14e, son royaume. C'est presque enfoncer une porte ouverte que d'accéder à cet étage tant les gourmets connaissent les lieux et l'homme à sa démarche décidée, au regard vif, au geste alerte et toujours coiffé du bonnet du chef. Allalou aime travailler les meilleurs cartes et menus. C'est lui-même qui découpe la sole meunière ou le saint-pierre grillé, trancher la côte de bœuf ou détailler le rognon grillé dans sa graisse. Ses gestes majestueux donnent à sa prestation une telle grandeur qu'ils doublent l'appétit : le foie gras de canard maison, accompagné de son verre de sauternes, le rouget grillé beurre d'étrilles, le pigeon rôti aux figues fraîches. La carte du chef est riche de ses créations à l'image de son escalope de dinde cuit au torchon ou poêlé aux raisins muscats, comme sa morue fraîche cuite à la vapeur du thym, le cœur de filet en sauce rouge ou les échalotes. Lorsque l'on est à côté de Allilou, il ne faut surtout pas hésiter à lui demander ses spécialités surtout le canard à l'orange, le filet de rouget cuit à la salamandre et garni d'une purée de pulpe d'olives noires et de tomate concassées et nappées du beurre blanc pissala (purée de poissons sardines et anchois) très salée, aromatisée de poivre, laurier, girofle, cinabre.