Bassekou Kouyaté est un instrumentiste, chanteur et humaniste malien. La générosité incarnée ! Le maâlem du ngoni (guitare traditionnelle malienne) s'est produit jeudi soir, à Alger, à la salle Ibn Zeydoun, sous les auspices du Centre culturel français (CCF). Interview avec le « Obama...ko » du ngoni ! Ses amis sont Taj Mahal, Bono, Damon Albarn, Khaled... Comment avez-vous trouvé le public algérien ? Le public algérien est formidable. Une assistance dégageant de la chaleur. Un public comme ça, super. C'était chaud ! Je voyais ces jeunes danser frénétiquement. J'avais peur pour leur cou (rires). Et puis, je voyais derrière des spectateurs un autre public appréciant religieusement le son du ngoni. Bassekou Kouyaté, vous avez customisé à votre manière le ngoni (guitare traditionnelle du Mali, d'Afrique de l'Ouest)... Oui ! Pour vous dire, c'est comme un gumbri. Ce soir, à Alger, j'ai joué avec quatre cordes. Pour d'autres concerts, j'évolue avec 7, 8, 9 cordes. C'est selon... Je fabrique moi-même le ngoni, un instrument traditionnel que je confectionne et façonne. Je suis un artisan du ngoni. Un bon ngoni coûte 300 euros. Un instrument ancestral qui fait hurler les Marshall (enceintes)... Oui, c'est vrai. Le ngoni bluffe les rockstars.(rires). Pour l'anecdote, je me suis produis avec le groupe écossais de pop Ftantz Ferdinand à Londres. En se donnant la réplique ngoni-fender, les membres de formation n'arrivaient à comprendre ce qui se passait. Ils sont venus vérifier si j'avais un appareil ou une machine (rires). J'ai tapé le bœuf avec les stars du pop et rock. Ils sont toujours agréablement surpris. Vous ne voulez pas électrifier, dénaturer le son du ngoni... Vous savez, je n'aime pas les pédales Wah Wah (révolutionné par Jimi Hendrix). J'aime avoir un son simple et pur. C'est cela la force et l'âme du ngoni. Comment peut-on qualifier votre musique ? L'on dit que le son de Bassekou et du ngoni, c'est un gros son. Certains disent que c'est de la pop, rock, soul. Moi, je leur dis que c'est de la musique malienne (rires). Une musique existant depuis des siècles. Ce n'est que maintenant, avec les médias, que l'on commence à découvrir et à s'intéresser à ce legs musical ancestral. Connaissez-vous la musique algérienne ? Oui, je me suis produit avec Khaled, le roi du raï. Tout le groupe l'a accompagné sur les titres Aïcha et Abdelkader Ya Boualem (Bassekou commence à fredonner les paroles de Abdelkader Ya Boualem en tapant sur la table). Dommage ! J'aurais aimé la jouer ce soir à Alger. Et en plus, avec le ngoni, elle est en parfaite adéquation. La prochaine fois... Inch'allah. Bassekou Kouyaté, vous êtes musulman... Oui ! Pratiquant... Oui ! Musulman pratiquant cinq prières par jour. Que du jus ! (Rires). Damon Albarn (ex-Blur, Gorillaz), quand il est venu à Alger, ne tarissait pas d'éloges à l'endroit de Bassekou Kouyaté et la musique du Mali... (Rires). Damon Albarn, c'est mon ami. On vient de jouer ensemble, il y a deux semaines à Londres. Il était venu à Bamako avec 60 journalistes à la... maison. On était entassés. Les journalistes décrivaient tous mes faits et gestes (rires). Et Bono de U2... Ah oui ! Bono, un autre grand ami. Il est aussi venu à Bamako me voir à la maison. Vous savez, on a compris que c'est en Afrique, au Mali que cela se passait. Bono et moi avons joué lors du concert-tribute Africa SOS ainsi que Youssou N'dour. Nous nous sommes produits aussi en Allemagne avec Bono, un concert interpellant le G8 quant à la misère, la faim, la guerre en Afrique et les problèmes des clandestins africains migrant vers l'Europe. Lors du concert à la salle Ibn Zeydoun, vous avez exhorté les étudiant maliens, après leur cursus universitaire, à retourner au pays... Oui absolument ! Un message positif ! On a besoin de ces cadres pour construire le pays. C'est vital ! L'Afrique vient de perdre une légende de la musique, Miriam Makeba, la Mama Africa... Je suis vraiment triste et ému. J'étais à Alger quand j'ai appris la nouvelle. J'avais joué avec Miriam Makeba et Ali Farka Touré à Johannesbourg (Afrique du Sud). C'est une grande dame de la musique africaine. Elle était d'une grande sagesse et gentillesse. Elle avait ouvert la voie aux autres artistes africains. On m'a dit que Miriam Makeba avait explosé ici à Alger, lors du 1er Festival panafricain en 1969. Le 2e Festival panafricain se tiendra en été 2009... Je serai ravi de participer à cette fête de la musique africaine. Inch'allah. Tenez, je vous offre mon CD, c'est celui qui a reçu l'Award World Music de la BBC, album de l'année 2007. C'est l'album Segu Blue. Merci ! Au Festival panafricain, avec Khaled, Inch'Allah !