Concert n La générosité musicale de Bassekou Kouyaté a créé, jeudi dernier, à la salle Ibn Zeydoun, une ambiance entraînante et envoûtante et en parfaite symbiose avec le public. Salle Ibn Zeydoun, il n'y avait tout simplement plus de places pour s'asseoir, ne serait-ce que parterre, pour assister à cet événement musical, organisé par le Centre culturel français (CCF) : Bassekou Kouyaté et n'goni ba. Une salle pleine à craquer de jeunes et de moins jeunes, qui se sont donnés à cœur joie, en dansant et en délirant toute la soirée devant cette musique envoûtante et ensorcelante, et ces percussions, cette calebasse*, qui vous «oblige», presque, à vous lever de votre siège, avec ce blues-jazz malien, unique en son genre, un mariage ancestral et moderne, avec un rappel de gnawi, d'où une symbiose parfaite entre le public et le groupe, avec des airs repris en chœur par toute la salle, de très beaux jeux de lumière, de très belles danses africaines, et surtout des solos de blues, d'anthologie, de Bassekou et son magique n'goni, qu'il confectionne et façonne, lui-même, avec beaucoup de passion et d'amour, ce qui fera dire de lui, un journaliste du The Daily Telegraph : «Fabulously resonant,hypnotic music» (résonance fabuleuse, musique hypnotique), sans oublier la voix mélodieuse et profonde de son épouse Ami Sacko (chant et danse), Dally Kouyaté (chœurs et danse), Fousseyni Kouyat (n'goni basse), Oumar Barou Kouyat (n'goni), Moussa Bah (n'goni ba), Alou Coulibaly (calebasse) et Moussa Sissoko (percussions). Le public d'Ibn Zeydoun a vraiment été gratifié par cet inoubliable concert et ce «Hendrix» du n'goni, et qui s'est, d'ailleurs, produit avec les plus grands musiciens de la planète : Carlos Santana, Bono de U2, Youssou N'dour, Dee Dee Bridgewater's etc. Une vente de CD a eu lieu à la fin du concert, pour les inconditionnels et les néophytes de ce genre musical, de son unique, et non moins chef-d'œuvre, album : 'Segu Blue' , lequel, et ce n'est pas une surprise, a été primé par la radio BBC, aux Award's for World Music '08 , «meilleur album de l'année». En formant n'goni ba (le grand n'goni), Bassekou Kouyaté a donné naissance au premier quartet de n'goni de l'histoire malienne, et a considérablement étendu les possibilités de cet instrument traditionnel, le n'goni, qui est un instrument à cordes pincées (de 4 à 7,en général) de la culture griot (en Afrique noire, poète, conteur itinérant, qui transmet la tradition par voie orale et en musique), fait de bois et de peau de chèvre, l'ouvrant aux gammes plus jazz et blues. *Fruit du calebassier. «C'est incroyable ce que l'on peut faire avec une calebasse : entière ou coupée au milieu, plongée dans un récipient d'eau, associée à des tiges de bois pour former un "arc" musical aux sons riches et subtils, remplie de graines et frappée sur le sol, ou percutée avec les doigts bagués, elle est mise... à tous les sons», dira un artisan malien de calebasse. Après le concert, Bassekou Kouyaté, très aimable, a bien voulu nous accorder une interview : Infosoir : Parlez-nous de ce fameux instrument qu'est le n'goni ? Bassekou Kouyaté : c'est un instrument de la culture griot, transmis de père en fils depuis l'époque de l'empereur malien Soundiata Keita (XIIIe siècle), et moi j'y ai introduit le solfège et des règles de base. Connaissez-vous le «gombri», qui est l'équivalent du n'goni chez les Gnawa, et si oui, l'utilisez-vous ? Oui, il est évident que je connais le gombri, et d'ailleurs, je pense que c'est un instrument de chez nous, né il y a 3000 ans, avant que les nomades ne le fassent connaître en Afrique du Nord, et oui je l'utilise aussi. Le blues que vous pratiquez est-il inspiré de la Nouvelle-Orléans et de l'Amérique ? Non, c'est un blues du terroir qui existe depuis le XIIIe siècle, bien avant la création de la Nouvelle-Orléans, et je dirais même le contraire, ce sont eux qui se sont inspirés de notre blues à nous (rires), via les esclaves noirs. Comment avez-vous trouvé l'ambiance du public algérien ce soir ? Franchement ça restera gravé dans ma mémoire à jamais ; c'était tout simplement magique et j'ai beaucoup aimé ce public, connaisseur et accueillant. Des projets après la sortie de votre album «Ségu blue» ? Oui, j'aimerais vraiment organiser un grand festival mondial au Mali, où les plus grands joueurs d'instruments à cordes et les plus grands musiciens viendraient participer et aussi les nombreux élèves que j'ai formés. C'est juste une question de temps et de moyens.