La liste des médicaments interdits à l'importation vient d'être fixée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Près de 400 dénominations communes internationales (DCI) toutes formes confondues y sont inscrites, soit à peu près 1000 produits pharmaceutiques, dont des antibiotiques, anti-inflammatoires, antitussifs, antalgiques, antihistaminiques, psychotropes et anticholestérolémiques. L'arrêté ministériel portant la liste des produits interdits à l'importation sera soumis incessamment au chef du gouvernement. Ces médicaments seront désormais fabriqués localement par des entreprises algériennes qui, dit-on, ne sont pas encore prêtes à relever ce défi. Un comité de concertation composé d'experts ès qualité a été installé par la direction de la pharmacie du ministère de la Santé juste après l'annonce de la décision du gouvernement d'interdire l'importation de certains produits fabriqués localement. Plusieurs séances de travail ont été organisées avec les producteurs nationaux avec lesquels des engagements ont été signés afin de répondre aux exigences de ces décisions gouvernementales, à savoir garantir la disponibilité des médicaments et répondre aux besoins nationaux. Les producteurs se sont alors engagés à fabriquer des quantités précises de médicaments, faute de quoi l'autorisation d'importation leur sera retirée. Ainsi, tout allait bien jusqu'au moment où des divergences sont apparues entre les membres du comité et le directeur de la pharmacie, notamment sur la décision d'interdire certains médicaments sachant que les capacités nationales ne sont pas prêtes pour le moment. Des réserves sont alors émises par certains membres du comité. Cela n'a pas empêché le directeur de la pharmacie, M. Ouahdi, de poursuivre le travail, en faisant cavalier seul. « La liste a été validée sans être soumise à l'ensemble des membres du comité ni aux producteurs nationaux. Il en a été de même pour les modalités de mise en œuvre et la feuille de route proposée par l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP) », avons-nous appris auprès de son président, M. Ziad, qui a fait partie du comité en tant qu'expert. Ni l'UNOP ni le syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (SAIP) n'ont été consultés sur le contenu de cette liste. Il est aussi reproché au directeur de la pharmacie de faire « dans le favoritisme » en acceptant des entreprises réalisant seulement le conditionnement secondaire, c'est-à-dire la mise en boîte des produits blistérisés, et celles qui « n'ont même pas d'unité industrielle digne de ce nom pour assurer une production nationale » ainsi que l'enregistrement d'un nombre importants de produits pour certains opérateurs en temps record alors que d'autres attendent depuis des années ce cachet. Des besoins toujours méconnus « Ce qui favorise encore l'importation de médicaments », fait-on remarquer. L'anomalie constatée par certains membres du comité est le fait que des producteurs ayant actuellement les capacités de produire seulement 5 millions d'unités-vente se proposent de fabriquer d'ici au premier semestre 2009, 30 millions d'unités. Des propositions acceptées sans vérification au préalable sur le terrain. « Comment des producteurs aux moyens matériels et financiers maigres peuvent-ils répondre à des besoins nationaux importants à court terme ? », s'interroge-t-on. La question se pose aussi sur les besoins et la consommation qui restent encore inconnus. Comment peut-on définir ces besoins sans qu'une étude de marché n'ait été réalisée au préalable. La sous-direction des prix et du marché au ministère de la Santé, censée produire des données sur le marché actuel du médicament, ne dispose d'aucune statistique fiable, alors que les importateurs et les producteurs délivrent leurs états de stocks et de vente à chaque fin de mois au ministère de la Santé. « Une simple compilation de toutes ces données permettra à la sous-direction d'établir des chiffres exacts qui serviront certainement à évaluer notre marché national », nous dit- on. A défaut de données fiables, le directeur de la pharmacie s'est basé sur les statistiques de l'IMS Health pour définir les besoins nationaux. Par ailleurs, des observateurs n'expliquent pas comment la direction de la pharmacie élabore et valide une liste de médicaments sans l'avis d'experts en la matière. Pourquoi cette précipitation à confectionner une liste de médicaments interdits à l'importation sans que des dispositions réglementaires rigoureuses qui serviront de garde-fou ne soient mises en place ? En premier lieu, il est question de garantir l'importation d'une matière première de qualité, en s'assurant des sites de fabrication validés par l'OMS, de la bioéquivalence et surtout de la traçabilité qui pose aujourd'hui d'énormes problèmes dans le monde. Le cas du retrait de certains lots de lovenox en juin 2008 commercialisé en Algérie, et dans lequel il a été détecté une substance anormale dont la matière première a été fabriquée en Chine, est édifiant. D'aucuns estiment que les mesures courageuses du gouvernement ne devraient pas être mises en œuvre avec une telle légèreté risquant de faire aboutir à un monopole qui peut générer des pénuries de médicaments, d'autant que les programmes d'approvisionnement et les avenants pour l'année 2009 sont pour le moment bloqués. A noter que le ministre de la Santé, M. Barkat, a été saisi officiellement par l'UNOP qui lui livre, dans un courrier, toutes ses réserves concernant l'élaboration de cette liste de médicaments interdits à l'importation.